Les Afghans ont voté ce samedi pour leur futur président malgré la menace terroriste. Les autorités font état de plusieurs attaques contre des bureaux de vote, mais le bilan demeure relativement faible.
Une élection présidentielle à hauts risques et sous fortes protections policière et militaire. Les Afghans ont voté samedi 28 septembre pour choisir leur président, un scrutin qui s'est déroulé sous la triple menace des attentats des Taliban, de la fraude et de l'abstention des électeurs.
L'élection s'est tenue, alors que les pourparlers entre Américains et Taliban sont au point mort, rendant toujours aussi lointaine la perspective d'un dialogue inter-afghan (entre gouvernement et insurgés) pour arriver à la paix.
Le ministère de l'Intérieur a annoncé le déploiement de 72 000 hommes pour garder les près de 5 000 bureaux de vote du pays, qui ont ouvert leurs portes à 7h (2h30 GMT) et ont fermé à 17h (12h30 GMT), après une extension de deux heures dues à la présence de files d'attente devant certains bureaux, selon la commission électorale.
Le gouvernement avait interdit par ailleurs depuis mercredi soir l'accès à la capitale à tous les camions et camionnettes, par peur des attentats aux véhicules piégés. Mais une heure après l'ouverture des bureaux de vote, des explosions se sont produites dans les villes de Kaboul, Ghazni et Kandahar. Dans cette province du sud du pays, au moins 16 personnes ont été blessées dans une explosion à l'intérieur d'un bureau de vote installé dans une mosquée, a déclaré un porte-parole du gouverneur. Un mort et deux blessés ont été aussi enregistrés à Jalalabad dans l'est du pays.
Les Taliban ont revendiqué les attaques à Ghazni, à Kaboul et dans plusieurs autres régions où les explosions n'ont pas été immédiatement confirmées par les autorités.
Avertissements des talibans
Les insurgés avaient multiplié les avertissements aux quelque 9,6 millions d'électeurs pour les dissuader de participer au scrutin. Ils ont expliqué jeudi que leurs moujahidines viseront "les bureaux et les centres (de vote) accueillant ce spectacle". "Tous les actes de violence contre le processus électoral… sont inacceptables", a mis en garde Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général des Nations Unies.
La campagne électorale a démarré fin juillet par un attentat ayant fait 20 morts. Plus de cent autres personnes ont été victimes d'attaques revendiquées par les talibans depuis. À cela s'ajoute le risque que le groupe État islamique se mêle de la partie, lui qui a revendiqué un attentat contre un mariage ayant fait 80 morts en août.
Un électeur dans le district Taimanai de Kaboul a dit à l'AFP : "je suis là pour voter. Je sais qu'il y a des menaces, mais les bombes et les attaques font partie de notre quotidien". Interrogé par téléphone, Mohuiuddin, 55 ans, a ajouté : "je n'ai pas peur, nous devons voter si nous voulons pouvoir changer notre vie".
Quatrième présidentielle
C'est la quatrième élection présidentielle dans l'histoire du pays, la première s'étant tenue en 2004. Le scrutin rassemble 18 candidats à un mandat de cinq ans, et oppose surtout deux favoris, l'actuel chef de l'État Ashraf Ghani et son chef de l'exécutif Abdullah Abdullah. Ils s'affrontaient déjà en 2014, dans une élection marquée par des irrégularités si graves que les États-Unis avaient imposé par leur médiation la création du poste de Abdullah Abdullah, réputé arrivé second.
Les États-Unis attendent que "la conduite des candidats et des institutions en charge de l'élection soit sans sans reproche, afin d'assurer la légitimité de son résultat", a affirmé le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans une conversation avec Ashraf Ghani jeudi.
Les autorités afghanes ont assuré avoir pris toutes les mesures pour éviter la fraude, en déployant notamment une batterie de moyens techniques, dont des lecteurs biométriques. Les résultats préliminaires sont attendus le 19 octobre et les définitifs le 7 novembre.
La première inconnue sera l'ampleur de l'abstention. Si ce n'est pas la peur des attentats ou de la fraude qui les tiennent à l'écart des urnes, bon nombre d'électeurs devraient rester chez eux, ayant perdu tout espoir que leurs élites améliorent leurs conditions d'existence. Le futur chef de l'État prendra la tête d'un pays en guerre, où 55 % de la population vivait avec moins de deux dollars par jour en 2017, et où le conflit avec les insurgés a tué plus de 1 300 civils au premier semestre 2019, selon l'ONU.
Avec AFP