
En cours depuis avril, le raid intensif sur la province d'Idleb, la dernière à échapper au contrôle de Damas, continue à faire de nombreux morts. Le photographe syrien Anas al-Dyab, qui collaborait avec l'AFP, est l'une des dernières victimes.
Chaque jour, ils sont plusieurs dizaines à mourir sous les bombes. En Syrie, les raids du régime et de la Russie sur la province d'Idleb (nord-ouest), qui échappe toujours au contrôle du président Bachar al-Assad, et les provinces limitrophes d'Alep, Hama et Lattaquié sont toujours aussi intenses .
Parmi les nombreuses victimes du conflit, Anas al-Dyab, un photographe et vidéaste de 22 ans ayant collaboré avec l'AFP, et dont certaines photos ont été publiées par France 24 pour illustrer des articles sur la Syrie.
Le jeune homme a été tué le 21 juillet, ainsi que 17 autres civils, dans des frappes aériennes sur la ville de Khan Cheikhoun, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et les Casques blancs, une organisation de secouristes opérant en zone rebelle, dont Anas al-Dyab était un des bénévoles.
The world could say Goodbye to Anas for one last time.
His brothers, family, and fellow volunteers grief-stricken faces gather around the body of Anas. #NotATarget pic.twitter.com/uPOETd2Bng
Les funérailles du journaliste citoyen ont été célébrées dans une mosquée avant que sa dépouille, enveloppée d’un linceul portant le logo des Casques blancs, ne soit inhumée dans un cimetière de la ville d'Idleb, à défaut d'un enterrement à Khan Cheikhoun en raison des bombardements.
"Il a été tué alors qu'il essayait de montrer au monde ce qui se passe en Syrie"
"C'est une grande perte pour nous, a déploré auprès de l'AFP Raëd Saleh, le directeur des Casques blancs, que Moscou et Damas accusent de complicité avec les rebelles et les jihadistes. Il a été tué alors qu'il essayait de montrer au monde ce qui se passe en Syrie."
Selon l’OSDH, le photographe indépendant, qui a été blessé à plusieurs reprises pendant le conflit, a perdu la vie alors qu'il s'était réfugié dans le sous-sol d'un immeuble de trois étages. Il était alors en compagnie de deux membres du groupe rebelle Jaich al-Ezza, anciennement soutenu par Washington et actif dans certaines parties de la province d'Idleb et dans la province voisine de Hama.
"Je ne quitterai Khan Cheikhoun qu'en martyr", avait-il un jour promis, selon sa famille. CNN, la chaîne américaine d’informations qui l’avait interviewé en mars, lui a rendu hommage en publiant plusieurs de ses photos qui ont été prises ces derniers mois.
Alors que les journalistes occidentaux éprouvent de grandes difficultés à couvrir la guerre en Syrie, son travail consistait à documenter, à travers ses photos visibles sur son compte Twitter, la vie quotidienne des habitants, les opérations de secours des Casques blancs auxquelles il participait et les conséquences des bombardements sur Khan Cheikhoun. Cette localité, visée en avril 2017 par une attaque au gaz sarin attribuée par l’ONU au régime syrien, est devenue une ville fantôme après la fuite de plusieurs milliers d'habitants.
The #destruction caused by the #shelling of the #city of #Khan_Shikhon by #warplanes and #helicopters belonging to the Assad regime.
???? @Anasaldyab pic.twitter.com/FMx9wnarhE
"Ils prennent pour cible des civils innocents et tentent de tuer le plus grand nombre possible d'entre nous ", avait-t-il déclaré depuis un lit d’hôpital, où il avait été soigné pour des blessure s aux jambes après un bombardement, le 8 septembre 2018, alors qu’il était en train de filmer les dégâts provoqués par un raid aérien antérieur. Tout en appelant les secours, il avait laissé sa caméra tourner afin de sauvegarder "des preuves pour incriminer ce criminel [le président Bachar al-Assad , NDLR] et l'envoyer devant un tribunal international".
Plus de 630 civils tués depuis fin avril
Le régime de Damas et son allié russe ont intensifié depuis fin avril leurs bombardements sur la région d'Idleb, dominée par des rebelles et des jihadistes, notamment le groupe Hayat Tahrir al-Cham (ex-branche syrienne d'Al-Qaïda). Depuis, plus de 630 civils ont péri, selon l'OSDH, tandis que plus de 400 000 personnes ont été déplacées, a indiqué vendredi 26 juillet l'ONU.
S'exprimant à propos des écoles, hôpitaux, marchés et boulangeries frappés par les raids du régime syrien et de ses alliés, la cheffe du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Michelle Bachelet, a estimé vendredi qu'il "semble hautement improbable, étant donné le schéma persistant de telles attaques, que [ces bâtiments civils] soient tous touchés par accident".
"Le cauchemar à Idleb est en train de s'amplifier. Nous avons assisté à l'une des attaques les plus meurtrières perpétrées contre des zones civiles depuis le début de l'escalade militaire il y a près de trois mois", a pour sa part déploré, lundi 22 juillet, Mark Cutts, un des responsables de l'ONU pour la coordination humanitaire face à la crise syrienne.
Et ce malgré un accord conclu en septembre 2018 entre la Russie et la Turquie, soutien de certains groupes rebelles, visant à éviter à Idleb une offensive d'envergure des forces loyales à Damas. L'accord prévoyait une "zone démilitarisée" pour séparer les territoires tenus par les jihadistes et les rebelles des zones gouvernementales.
Avec AFP