Patrick Balkany, édile de Levallois-Perret, et son épouse Isabelle Balkany sont jugés dès lundi, à Paris, notamment pour fraude fiscale et blanchiment. Ils sont soupçonnés d'avoir dissimulé plus de 13 millions d'euros d'avoirs au fisc.
Le feuilleton judiciaire du couple Balkany reprend lundi 13 mai. Le tonitruant maire Les Républicains de Levallois-Perret, commune huppée de l'Ouest parisien, et son épouse Isabelle, première adjointe, doivent comparaître pendant six semaines devant la 32e chambre correctionnelle de Paris.
Les juges d'instruction avaient débuté leur enquête en 2013 après des révélations de Didier Schuller, un ancien allié du couple.
Les Balkany sont soupçonnés de "blanchiment à grande échelle" entre 2007 et 2014. Ils auraient dissimulé au fisc des revenus et un patrimoine "occultes" à hauteur "au minimum" de 13 millions d'euros, en particulier deux luxueuses villas, au Maroc et dans les Caraïbes, cachées derrière d'exotiques montages financiers.
Ces faits sont susceptibles de leur valoir jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende et l'État demande pour sa part dans ce volet un million d'euros d'indemnisation aux prévenus.
Demande de renvoi rejetée
C'est sous une nuée de caméras que Patrick Balkany, 70 ans, est arrivé à l'audience, en début d'après-midi. Escorté par ses avocats, l'édile s'est présenté seul, sans sa femme, hospitalisée le 1er mai après avoir absorbé des médicaments. Elle venait de dire sur Facebook sa lassitude devant une "instruction exclusivement à charge".
"Elle ne viendra pas à l'audience aujourd'hui car elle en est incapable" a déclaré son avocat, Pierre-Olivier Sur, rappelant qu'Isabelle Balkany, âgée de 71 ans, "a fait une tentative de suicide il y a quelques jours" et "est incapable de marcher seule." D'un point de vue psychologique, elle est très mal", a-t-il ajouté.
Dans une lettre lue à l'audience, Isabelle Balkany évoquait notamment "le choc émotionnel provoqué par une médiatisation outrancière et dévoyée" de l'affaire.
Ainsi, c'est en l'absence de son épouse, mais aussi des quatre autres prévenus, dont leur fils Alexandre, que Patrick Balkany a pris place seul au premier rang d'une salle comble.
La défense du couple misait sur le renvoi du procès. Après une plaidoirie durant laquelle les avocats du couple ont défendu la nécessité pour Patrick Balkany "d'être auprès de sa femme", le tribunal a néanmoins rejeté leur demande.
En effet, aux yeux des juges, l'absence d'Isabelle Balkany n'empêche pas la tenue du procès, celle-ci ayant "accepté d'être représentée par ses conseils".
La défense de Patrick Balkany a alors ouvert un nouveau front, demandant au président du tribunal correctionnel de se déporter [se faire remplacer, ndlr], mettant en doute l'impartialité du magistrat. Ce dernier ayant refusé, la défense entend maintenant déposer une requête en récusation, qui n'entrave toutefois pas la poursuite des débats.

Deux villas et des "dessous de table"
L'enquête, qui a nécessité plus d'une vingtaine de commissions rogatoires internationales, a établi que le couple Balkany avait constitué frauduleusement et dissimulé un important patrimoine immobilier.
La première propriété est la villa Pamplemousse, sise à Saint-Martin, aux Antilles, acquise en 1997 par une société constituée au Liechtenstein par une fiduciaire suisse.
Isabelle Balkany a fini par reconnaître qu'elle en était propriétaire, expliquant l'avoir achetée avec l'argent d'un héritage. Son époux en est officiellement bénéficiaire depuis 2004.
La seconde propriété, la villa Dar Gyucy de Marrakech, est détenue depuis 2010 par une SCI marocaine propriété d'une société panaméenne, Hayridge. Les Balkany ont constamment nié en être propriétaires. Mais les juges sont formels : ils sont les "seuls bénéficiaires" du riad, où des peignoirs brodés aux initiales "PB" ont été retrouvés.
Surtout, les enquêteurs ont fini par établir que le prix de vente officiel de la villa, 2,75 millions d'euros, avait été payé par l'homme d'affaires saoudien Mohamed Al Jaber au moment où celui-ci négociait un super-projet immobilier à Levallois, ce qui constituerait donc un acte de corruption.
Par ailleurs, 2,5 millions d'euros de "dessous de table" ont été réglés via le compte singapourien d'une autre société panaméenne. Cet argent provient selon les enquêteurs d'une commission versée à Patrick Balkany par un industriel belge, George Forrest, contre son aide pour un contrat minier en Namibie.
Rattrapés par la justice après y avoir longtemps échappé
Les démêlés judiciaires des époux Balkany défrayent si régulièrement la chronique depuis plusieurs décennies qu'ils sont devenus emblématiques des dérives de certains élus.
Ils n'ont à ce jour été condamnés qu'une fois, en 1996, à quinze mois de prison avec sursis pour "prise illégale d'intérêt", pour avoir utilisé à leur seul service trois "employés municipaux".
Mais on ne compte plus les enquêtes les visant, dont plusieurs en cours, sur des soupçons de malversations. Plusieurs rapports dénoncent également l'opacité et les irrégularités de la gestion par ce couple d'une des villes les plus endettées de France et d'une nébuleuse d'associations et entreprises publiques locales.
Cela n'a pas empêché Patrick Balkany d'être maire de Levallois-Perret depuis 1983, sauf entre 1995 et 2001, et d'annoncer en décembre qu'il serait de nouveau candidat en 2020.
Avec AFP et Reuters