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Pourquoi les "petits" partis se présentent aux européennes

Trente-quatre listes seront proposées aux Français, dimanche 26 mai, dont une majorité est issue de partis peu structurés et peu établis. Pour ces "petits" partis, l’enjeu est avant tout de porter un message à l’attention du plus grand nombre.

Le week-end d’Hélène Thouy s’annonce chargé : il reste quelques heures à la tête de liste du Parti animaliste aux élections européennes du 26 mai pour organiser la livraison des bulletins de vote dans les préfectures. La date limite a été fixée par le ministère de l’Intérieur au lundi 13 mai, mais l’heure exacte dépend des préfectures. La candidate a donc dû consacrer une partie de son temps à la recherche de cette information.

"Le dernier délai est à midi dans certaines préfectures, mais pour d’autres c’est à 16 h. Or, il ne faut pas se tromper car si on a 15 minutes de retard, ils n’acceptent plus nos bulletins. Ce sont des détails logistiques pour les partis bien installés, mais pour nous, c’est une grosse source de stress. Contrairement aux candidats connus qui peuvent se concentrer sur leur message et leur campagne, je suis une candidate obligée de tout gérer, c’est épuisant", explique Hélène Thouy, contactée par France 24.

À l’image des difficultés décrites par la cofondatrice du Parti animaliste, l’ensemble des "petits" partis qui présentent une liste aux élections européennes mène une campagne qui ressemble davantage à une course d’obstacles. Et si la livraison des bulletins aux préfectures est un défi en soi, leur impression, qui est à la charge des partis, a aussi représenté une double difficulté : d’une part le coût est élevé et, d’autre part, le code électoral a rendu obligatoire cette année l’utilisation de papier 70 grammes, plus difficile à trouver que le papier 60 g-80 g utilisé lors des précédents scrutins.

"Clairement, c’est notre principal poste de dépenses, affirme Pierre Beyssac, numéro 4 de la liste du Parti pirate, contacté par France 24. Cela coûte 300 000 euros, mais nous n’avons à l’heure actuelle que 16 000 euros de budget récoltés grâce aux dons, donc on n’y arrivera pas. Certains imprimeurs ont eu des ruptures de stock de papier en plus. De fait, on va rater la date limite pour les préfectures, ce qui veut dire qu’on devra livrer nous-mêmes les bulletins dans les mairies. Mais nous n’avons absolument pas les moyens de nous rendre dans les 36 000 communes de France."

"Il faut avoir la foi de soulever des montagnes"

Le Parti pirate a donc décidé de privilégier les grandes villes et de faire une croix sur les électeurs ruraux. Un moindre mal quand on sait que de nombreuses listes, qui n’auront que très peu de bulletins dans les bureaux de vote le 26 mai, faute de moyens, demandent à leurs électeurs de les imprimer eux-mêmes.

Sans argent, sans structure, sans petites mains et avec des équipes entièrement bénévoles, difficile de faire campagne. Et pourtant, trente-quatre listes ont été validées pour le scrutin européen, dont une majorité représente des partis défendant des intérêts catégoriels ou locaux, ayant peu de moyens et peu de notoriété, et pour lesquels les sondages accordent entre 0 % et 1 % des intentions de vote – les frais de campagne n’étant remboursés que pour les listes obtenant au moins 3 % des suffrages.

Dans ces conditions, difficile d’être optimiste. "Il faut avoir la foi de soulever des montagnes", reconnaît Robert de Prévoisin, numéro 1 de la liste Une France royale au cœur de l’Europe, contacté par France 24. "Mais je continue car je suis convaincu que notre démarche, qui vise à remplacer des présidents mal élus par un roi, est bonne pour la France et les Français."

Le discours est identique au Parti pirate ou au Parti animaliste, deux partis qui considèrent que la cause qu’ils défendent – les libertés individuelles sur Internet et la protection des animaux – n’est pas suffisamment prise en compte par les partis traditionnels. La campagne officielle de ces élections européennes, qui attribue à chaque liste du temps d’antenne à la télévision et à la radio, leur permet ainsi d’avoir une tribune pour exposer leur combat au plus grand nombre.

"L’exposition médiatique est essentielle"

"L’exposition médiatique est essentielle pour nous faire connaître et même si ce n’est que quelques minutes à la télévision ou la radio, on est preneur de toute visibilité pour parler à un autre public que celui des 'geeks'", explique Pierre Beyssac du Parti pirate.

"La simple annonce de notre présence parmi les listes validées a permis aux gens de nous connaître et on voit depuis une semaine qu’il y a de l’affluence chez nous et une mobilisation forte. Nos idées avancent", assure Robert de Prévoisin, de la liste Une France royale au cœur de l’Europe.

"On est dans un système où moins on vous connait, moins on vous donne de la visibilité, et par conséquent, moins les électeurs vous connaissent et moins ils sont susceptibles de voter pour vous. Donc l’exposition médiatique est essentielle, tout comme les campagnes d’affichage qui nous permettent d’interpeler les gens sur la cause animale", affirme quant à elle Hélène Thouy du Parti animaliste.

Si être élu semble inaccessible pour la plupart des candidats de ces "petits" partis, l’objectif principal reste donc de faire passer leur message pour s’installer plus durablement dans le paysage politique français. Le Parti pirate et le Parti animaliste y croient d’autant plus que leurs partis homologues, dans certains autres pays européens, ont réussi à se faire une place : le Parti pirate allemand compte ainsi un eurodéputé, tandis que le Parti animaliste des Pays-Bas compte cinq députés nationaux, deux sénateurs, un eurodéputé et une cinquantaine d’élus locaux.

"Nous sommes un peu comme les écolos qui étaient marginaux il y a 30 ou 40 ans, estime Pierre Beyssac. Leur combat sur l’environnement est aujourd’hui repris par tous les partis. Nous espérons connaître le même succès. Ça prendra des années, mais c’est nécessaire."