L'épineuse question de l'hyperandrogénie est étudiée par le Tribunal arbitral du sport qui examine, depuis lundi, le recours de Caster Semenya contre le règlement imposé aux athlètes féminines produisant naturellement beaucoup de testostérone.
Une bataille judiciaire décisive a débuté, lundi 18 février, au Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne. Face-à-face, la triple championne du monde et double championne olympique du 800 m, la Sud-Africaine Caster Semenya, et la fédération internationale d’athlétisme (IAAF). La championne sud-africaine conteste les nouvelles règles de l’IAAF, qui imposent aux femmes hyperandrogènes, dont la particularité est d'avoir un taux élévé d'hormones mâles, de faire baisser avec des médicaments leur taux de testostérone pour participer aux épreuves internationales du 400 m au mile (1 609 m).
Les avocats de l'athlète ont plaidé, mardi, pour la tolérance envers les athlètes présentant "des variations génétiques", ironisant sur le "réglement de l'IAAF (qui) ne permet à personne de courir".
"Au contraire, (ce règlement) tente de manière erronée et douloureuse de régir les caractéristiques sexuelles des athlètes femmes", ajoutent les conseils de la double championne olympique, dans un communiqué.
Soutenue par la Fédération sud-africaine, l'athlète dénonce ces règles, destinées selon elle, à la "ralentir". "Elle demande à être respectée et traitée comme n'importe quel autre athlète", ont d'ailleurs souligné ses avocats la semaine dernière. "Son don génétique devrait être célébré, pas faire l'objet de discrimination."
"Le corps des femmes, leur sentiment d'appartenir au monde est remis en question"
Le gouvernement sud-africain s'est aussi exprimé fermement en faveur de l'athlète. "Ce qui est en jeu ici n'est rien moins que le droit de chacun à faire du sport. Le corps des femmes, leur bien-être, leur capacité à gagner leur vie, leur vie privée, leur sentiment d'appartenir au monde est remis en question", a expliqué la ministre sud-africaine des Sports, Tokozile Xasa, qui soutient la plainte déposée par l'athlète.
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South African Government (@GovernmentZA) 18 février 2019L’IAAF défend de son côté son règlement au nom de l’équité. "Aujourd'hui est un jour très très important", a estimé le patron de l'athlétisme Sebastian Coe. "La valeur fondamentale de l'IAAF est la promotion des jeunes filles et des femmes en athlétisme et c'est ce que nous venons défendre ici. Les règlements que nous introduisons sont là pour protéger le caractère sacré d'une concurrence loyale et ouverte."
Bataille d'experts
La bataille judiciaire et médiatique a commencé dès lundi, premier jour des audiences. L'instance dirigeante de l'athlétisme a ainsi dégainé un communiqué dans lequel elle assure avoir le soutien de certains experts du TAS. "Une violation flagrante relative à la confidentialité (des débats, NDLR) orchestrée dans le but d'influencer l'opinion publique", selon les avocats de Semenya.
Parmi ces experts appelés par l'IAAF figurent David Handelsman, professeur d'endocrinologie reproductive à l'Université de Sydney, et le Dr Angelica Hirschberg, professeur de gynécologie obstétrique à Stockholm.
En réponse à ces accusations, le TAS a autorisé Caster Semenya à diffuser à son tour les noms des experts qui témoigneront en sa faveur. Les avocats de Caster Semenya ont publié une liste de dix noms prestigieux, notamment le Professeur Eric Vilain, généticien spécialiste des variations génétiques, expert auprès du CIO, ou le Dr Alun Williams, spécialisé dans les différences génétiques et leur impact sur les performances.
Une décision attendue avant les Mondiaux 2019 au Qatar
L'audience doit durer cinq jours et se terminer vendredi. Une décision finale pourrait être rendue avant la fin du mois de mars.
"C'est une affaire spéciale qui implique beaucoup de preuves scientifiques. C'est inhabituel, explique Matthieu Reeb, le secrétaire général du tribunal suprême en matière de sport. Ce qu'il va se passer, je ne suis pas capable de dire mais, à coup sûr, ce sera important. L'objectif est vraiment de rendre une décision avant les championnats du monde" qui auront lieu à Doha du 29 septembre au 6 octobre prochain.
La Sud-Africaine n'est pas la seule athlète qui pourrait être affectée : les médaillées de bronze et d'argent sur 800 m aux JO de Rio en 2016, Francine Niyonsaba (Burundi) et Margaret Wambui (Kenya), ont également été confrontées à des questions sur leur taux de testostérone.
Avec AFP