En parallèle de la pétition en ligne qui connaît un succès inédit, l'Affaire du siècle mène une action en justice pour contraindre l'État à respecter ses engagements. Cette première en France s’inscrit dans une dynamique mondiale.
La pétition en ligne, nommée "L'affaire du siècle", appelant à soutenir un recours en justice contre l'État français pour "inaction face au changement climatique", continue sa percée historique. Lancée le 18 décembre, elle réunit désormais plus de 1,8 milion de signatures et vise la barre symbolique des deux millions.
"Plus on est nombreux et plus notre discours aura du poids vis-à-vis du gouvernement", estimait sur France 24 Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. En marge de la pétition, les quatre ONG à l'initiative du texte - Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France - ont déposé un recours préalable en justice contre les autorités françaises qui ont jusqu'au 18 février pour y répondre.
À l'issue de ce délai, "si elles ne nous ont pas répondu ou si leurs responses ne sont pas satisfaisantes", poursuit Jean-François Julliard, un recours contentieux pour "carence fautive de l'État" sera déposé auprès du Tribunal administratif au printemps 2019. "Un juge sera saisi de l'affaire et là, cela pourra prendre un certain temps", prévient-il.
"Nous répondrons point par point. Nous sommes déjà au travail, a réagi le 25 décembre dans Le Parisien le ministre de la Transition écologique François de Rugy qui estime par ailleurs que "ce n’est pas dans un tribunal qu’on va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre". Selon lui, le grand débat national prévu début 2019 doit permettre "de discuter de nos choix collectifs pour se déplacer, se chauffer, se loger".
Mais le temps de la discussion est révolu, estime Marie Toussaint, la présidente de Notre affaire à tous, contactée par France 24. "Aujourd'hui, la révolte citoyenne veut aller plus loin en obligeant la France à respecter sa propre loi". En matière de gaz à effet de serre, l’Union européenne fixe un objectif de réduction de 14 % en 2020 (par rapport à 2005). Or, les émissions de l'Hexagone sont reparties à la hausse depuis deux ans (+6,7% en 2017). Du côté des énergies renouvelables, l'objectif européen était d'atteindre 19,5% mais la France n'en fournissait en 2017 que 16,3 %. "Dans l'absolu, on voudrait aussi que l'État aille au-delà de ses objectifs compte tenu du déréglement climatique qui s'accélère", ajoute Marie Toussaint.
D'autres pays en pointe
En ligne de mire, les responsables français des ONG ont tous en tête le procès gagné aux Pays-Bas par la fondation Urgenda et les 886 citoyens néerlandais. Ils avaient poursuivi le gouvernement pour son manque d’action contre le changement climatique. Il a été condamné en juin 2015, et la peine confirmée en appel en octobre dernier.
Le gouvernement néerlandais a été contraint de prendre des objectifs plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette décision de justice - une première mondiale - a été prise en s'appuyant sur le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), approuvé par 197 États, sur la nécessité d’agir drastiquement et très rapidement si l’humanité veut éviter les conséquences catastrophiques d’un réchauffement de plus d’1,5°C.
Depuis, plusieurs actions en justice sur le climat ont été gagnées dans le monde sur ce même modèle. En septembre 2015, au Pakistan, un fils d'agriculteur a remporté le premier procès de justice climatique dans son pays. La Haute Cour de Lahore lui a donné raison en estimant qu'il n'y avait eu aucun progrès dans la lutte contre le changement climatique, contrairement au plan national établi en 2012. Le juge a obligé la création d'une commission nationale sur le changement climatique avec pour mandat d'imposer de nouvelles mesures concrètes.
En Colombie, 25 jeunes, âgés de 7 à 26 ans et soutenus par l'ONG Dejusticia, ont fait reconnaître par la Cour Suprême la nécessité d’agir contre la déforestation en Amazonie et pour la protection du climat. Le gouvernement a eu cinq mois pour mettre en place un programme dédié.
Par ailleurs, l'Onu recense quelque 900 autres procès climatiques en cours.