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Algérie : béatification des moines de Tibéhirine et de 12 autres religieux

L'Église catholique a béatifié, samedi à Oran, 19 religieux et religieuses catholiques assassinés pendant la guerre civile en Algérie, dont les sept moines de Tibéhirine. Il s'agit de la première béatification organisée dans un pays musulman.

C’est une première dans un pays musulman. C’est à Oran, à 400 km à l’ouest d’Alger, que l'Église catholique a béatifié, samedi 8 décembre, 19 religieux catholiques assassinés durant la guerre civile en Algérie dans les années 1990. Parmi les "martyrs" figurent les sept moines de Tibéhirine.

Dans un message lu à la cérémonie par le cardinal Angelo Becciu, le pape François a souhaité que "cette célébration aide à panser les blessures du passé et crée une dynamique nouvelle de la rencontre et du vivre ensemble à la suite de nos bienheureux".

"En faisant mémoire de la mort de ces 19 victimes chrétiennes, les catholiques d'Algérie et du monde veulent célébrer la fidélité de ces martyrs au projet de Paix que Dieu inspire à tous les hommes, a indiqué François. Ils veulent, en même temps, prendre dans leur prière tous les fils et filles de l'Algérie qui ont été, comme eux, victimes de la même violence".

15 Français, deux Espagnoles, un Belge et une Maltaise

Quelque 1 200 personnes, dont quelques centaines venues de l'étranger – familles, amis, pèlerins –, ont assisté à la célébration sur l'esplanade de la chapelle Notre-Dame de Santa-Cruz. Ces "19 martyrs d'Algérie" sont 15 Français, deux Espagnoles, un Belge et une Maltaise, issus de huit congrégations catholiques différentes, assassinés entre 1994 et 1996.

Parmi eux figure Mgr Pierre Claverie, dominicain et archevêque d'Oran, fervent partisan du dialogue avec l'islam, tué en août 1996 par une bombe avec son jeune chauffeur algérien Mohamed Bouchikhi. Ont également été déclarés bienheureux les sept moines trappistes de Tibéhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, et dont seules les têtes furent retrouvées. Un assassinat dont les circonstances exactes restent encore aujourd'hui mystérieuses.

À leurs côtés, quatre Pères blancs mitraillés dans la cour de leur mission de Tizi-Ouzou fin 1994, ainsi qu'un frère mariste, une sœur de l'Assomption, deux sœurs espagnoles augustines missionnaires, deux sœurs de Notre-Dame des Apôtres et une sœur du Sacré-Cœur, tous tués par balles à Alger en 1994 et 1995.

Tous refusèrent, malgré les risques croissants, de quitter l'Algérie et sa population, avec qui ils se disaient profondément liés. D'où la volonté de l'Église catholique que leur béatification ait lieu en Algérie, avait récemment indiqué à l'AFP Mgr Paul Desfarges, l'archevêque d'Alger.

"Hommes de paix"

"Nous ne voulions pas d'une béatification entre chrétiens, car ces frères et sœurs sont morts au milieu de dizaines et dizaines de milliers d'Algériens" musulmans qui ont péri durant la décennie (1992-2002) de guerre civile en Algérie, a expliqué Mgr Desfarges.

Les dignitaires musulmans d'Oran se sont associés à la célébration en recevant dans la matinée les familles des bienheureux à la Grande Mosquée Ibn Badis de la ville, en présence du cardinal Becciu et du ministre algérien des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa.

"Cet événement, nous musulmans, nous y associons avec beaucoup de joie", a expliqué un imam d'Oran, Mostapha Jaber, à la Grande Mosquée. "Ces martyrs chrétiens tués pendant cette tragédie nationale étaient des hommes de paix, des hommes de bonne foi, des hommes qui avaient un mission bien déterminée, celle de répandre la paix".

C'est la première cérémonie de béatification à se dérouler dans un pays musulman, a rappelé à Rome le Père Thomas Georgeon, postulateur de leur cause. "Ces gens ont passé leur vie au milieu de gens du pays, à leur donner ce qu'ils pouvaient leur offrir", a expliqué vendredi à l'AFP le père Thierry Becker, curé d'Oran depuis 1962, année de l'indépendance de l'Algérie et ancien adjoint de Mgr Claverie. Leur béatification "montre qu'une vie partagée avec ceux d'une autre religion, c'est chrétien".

"Les frères et les sœurs qui ont donné leur vie l'ont donnée de manière consciente pour le peuple algérien", a indiqué à l'AFP Sœur Bénédicte de la Croix, cistercienne – confrérie des moines de Tibéhirine – venue de France pour la cérémonie. "À travers eux, on pense à tous ceux qui ont perdu la vie" durant la guerre civile, qui fit quelque 200 000 morts, dont de nombreux civils tués dans les attentats ou les massacres attribués aux groupes armés islamistes.

Avec AFP