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Salcuta vit en banlieue parisienne, avec ses deux enfants, Denisa et Gabi. En tant qu'Européenne, c'est la France qu'elle a choisi. Ce documentaire montre que lorsque les familles sont traitées dignement, il n'y a plus de "question rom".

Politiques discriminatoires, discours normalisant leur stigmatisation : aujourd'hui, le racisme à l'encontre des Roms demeure l'un des derniers à être rarement dénoncé dans l'espace public. Dans ce documentaire "8, avenue Lénine" sorti le 14 novembre, même l'ancien SDF désormais logé sur un terrain vague redoute l'arrivée dans son voisinage de la petite famille Rom. "Ils sont sales", craint l'homme récalcitrant, et pourtant bien moins décrassé que Salculta Filan, qui travaille comme femme de ménage dans une école, et ses enfants Denisa et Gabi, qui vont à l'école tous les jours.

Réalisé sur 15 années – un temps long particulièrement intéressant pour le format, le documentaire donne à voir l'insertion de cette petite famille qui ne demande rien d'autre que de vivre comme tout le monde. Une tâche peu aisée lorsqu'il faut affronter les discriminations du quotidien, la peur de l'autre et les discours politiques toujours plus stigmatisants. Or, la "question rom" existe-t-elle vraiment ailleurs que dans les rhétoriques politicardes refusant toute vision sur le long terme ?

Car ce que montrent également les caméras des réalisatrices Anna Pitoun et Valérie Mitteaux, c'est la mobilisation d'hommes et femmes solidaires, ces fantastiques citoyens d'Achères qui ont accompagné jusqu'au bout la petite famille. De l'institutrice qui ouvre la porte de chez elle pour accueillir ses élèves Roms la nuit où les caravanes sont démontées à Alain Outreman, le maire de l'époque, qui va dîner chez Salcuta et ses enfants pour voir s'ils sont bien installés dans leur appartement en passant par tous ces habitants devenus des amis les aidant dans la moindre démarche.

"Ce sujet, on ne l'a pas cherché", explique à France 24 l'une des deux réalisatrices, Anna Pitoun à propos de la genèse du documentaire : "Il est venu à nous". Hasard de la rencontre, en effet : en 2003, Valérie Mitteaux et Anna Pitoun travaillent sur le tournage d'un spot commandé par Médecins du monde sur les bienfaits de la scolarisation des enfants Roms. "Financé par de l'argent public, donc". Un soir, alors qu'elles se trouvent sur le campement, un ordre de démantèlement est donné. Le duo de réalisatrice prend alors les caméras pour ne plus les lâcher pendant 15 ans.

À l'arrivée, un documentaire lumineux, poignant et plein de justesse. À l'image de la démarche voulue par les deux femmes. Avant le début de leur amitié et collaboration, Valérie était journaliste pour la télévision et Anna travaillait dans le milieu universitaire. "Elle en avait marre de faire des sujets où il fallait écrire vite et moi j'en avais marre d'écrie des thèses uniquement lues par des chercheurs", raconte Anna Pitoun. "Alors on a décidé de travailler ensemble et de créer des objets de pensée qui seraient des films, pour toucher un public plus large dans un format plus large", poursuit-elle. "On n'apporte pas forcément de 'solutions' aux problèmes que l'on soulève... Mais le but, c'est de proposer aux téléspectateurs de sortir différents de nos films. Différents de comme ils y sont entrés", ajoute Valérie Mitteaux. Pari réussi.

– "8, avenue Lénine" ; Production : Caravane Films et Point du jour ; Distribution : Point du jour, DHR (Direction Humaine des Ressources), A vif cinémas ; Sortie le : 14 novembre ; Durée : 1h40 ; www.8avenuelenine.com.

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Tags: Cinéma, Roumanie,