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Des Iraniennes "triées sur le volet" autorisées à assister à un match de foot

Fait rare en Iran, près d'un millier de femmes a été autorisé samedi à entrer dans un stade pour la finale de la Ligue des champions asiatique. Jamais autant d'Iraniennes n'avaient pu assister à un match de football.

"Quand les femmes sont arrivées, tous les hommes se sont levés pour les applaudir", rapporte la journaliste sportive iranienne Hedieh Khatibi. Cette dernière était présente, samedi   10   novembre, au côté d’un millier d'autres femmes iraniennes dans les tribunes du stade Azadi de Téhéran pour la finale de la Ligue des champions asiatique de football. C'est la première fois qu'elles sont admises en si grand nombre dans un stade.

Iranian women flock to Azadi Stadium to watch #ACLFinal! pic.twitter.com/YiQgn95wyY

  AFC Champions League (@TheAFCCL) 10 novembre 2018

Un évènement rare en Iran, où les femmes n'ont pas le droit de se rendre dans les stades pour voir des hommes jouer au football, officiellement pour les protéger de la grossièreté masculine.

Lors du match de samedi, les femmes, séparées des hommes, sont entrées après eux par une autre entrée. Elles étaient près de   1   000 "triées sur le volet", selon le quotidien réformateur Etemad, qui a indiqué que la plupart des supportrices avaient été choisies dans les familles des joueurs du FC   Persépolis, ou parmi des joueuses de football ou de futsal. Seules les femmes inscrites sur cette liste ont été admises.

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پرسپولیس قهرمان نشد و جام در خانه نماند اما ما در حال ساختن جام قهرمانی دیگری هستیم. جامی که فوتبالی نیست. جامی که قهرمان آن #زنان این جامعه هستند. همان هایی که سالهاست حق شان را فریاد می زنند. مطمئنا مطالبه بحق آنان، راهیابی "گزینشی" چند ده نفر، چند صد نفر و حتی چند هزار نفر نیست. زنان حق ورود به ورزشگاه ها را می خواهند؛ بدون گزینش و تبعیض. فینال لیگ قهرمانان آسیا بیش از پیش نشان داد که روحیه مطالبه گری زنده است و نفس می کشد. این مطالبه تا رسیدن به هدف ادامه خواهد داشت. درهایی که سالهاست چند قفله شده، در بازی دوستانه تیم ملی مقابل بولیوی، کمی باز شد و حدود صد نفر به صورت #گزینش شده وارد ورزشگاه شدند. این تعداد در بازی ای که به مراتب حساسیت ها و استقبال کننده های بیشتری داشت (پرسپولیس و کاشیما آنتلرز) چند برابر شد. حالا می توان مطالبه بیشتری داشت. حالا باید سوال کرد که چطور زیرساخت ها تنها برای چند صد زن مهیاست و برای بقیه آماده نیست؟ حالا می توان گام بزرگ تر و رو به جلوتری برداشت. یادمان باشد این آخرین بازی لیگ قهرمانان آسیا نبود که ای اف سی و فیفا، قید نظارت و اعمال فشار برای حضور زنان در ورزشگاه را بزنند. #زنان_ایران #زنان_ورزشگاه #زنان #زن #بانوان #دختران #ورزشگاه_آزادی #ورزشگاه #هوادار #مطالبه #گزینش #گزینشی #تبعیض #پرسپولیس #پرسپولیس_کاشیما #فیفا #ای_اف_سی #aclfinal #acl2018 @theafchub

Une publication partagée par mehdi (@mehdi__maleki) le 10 Nov. 2018 à 4 :09 PST

C'est grâce à cette autorisation exceptionnelle que la journaliste Hedieh Khatibia a pu couvrir l'événement depuis le stade et non derrière un écran pour le journal sportif "Goal". "En passant par le tunnel menant au terrain, j'ai ouvert grands les yeux pour m'assurer de tout voir (...). C'était un rêve enfin devenu réalité. J'étais partagée entre les larmes et le rire", confie-t-elle à l'AFP. "C'était très émouvant, 80   000   hommes iraniens étaient debout par respect et soutien à l'égard des femmes iraniennes", raconte la journaliste.

"J'ai été invitée, mais je n'y suis pas allée parce que c'est insultant"

Si la double confrontation a été remportée par l'équipe japonaise de Kashima   Antlers, au détriment du FC   Persépolis, l'essentiel était ailleurs pour les journaux iraniens. Plusieurs ont salué comme une "victoire" la présence des femmes dans le stade Azadi. "Les femmes ont remporté le match de la Liberté", a titré dimanche   11   novembre en une Etemad. "Victoire des femmes iraniennes en finale asiatique", a également jugé Sazandegi, un autre quotidien réformateur.

Sahar Tolouee, journaliste au quotidien réformateur Shargh, ne partage toutefois pas cet enthousiasme. "J'ai été invitée, mais je n'y suis pas allée parce que c'est insultant (...). Me mettre sur une liste comme si c'était une bénédiction alors que c'est mon droit et celui de toutes les femmes de pouvoir se rendre dans un stade (...), c'est inacceptable", a déclaré à l'AFP cette fan du FC   Persépolis.

Iranian women queue up in front of #Tehran's Azadi Stadium to enter, if allowed, and watch the big #ACLFinal match between @PerspolisFCIran and @atlrs_english.
For this match, to be held in presence of @FIFAcom president Infantino, a special section has been dedicated to women pic.twitter.com/bgvK1V3npU

  Reza Khaasteh (@Khaaasteh) 10 novembre 2018

Un débat sur l'allègement de l'interdiction a également agité les réseaux sociaux. "Je ne suis pas en faveur d'une présence sélectionnée et minime, mais je considère la présence de femmes aujourd'hui de bon augure", a tweeté la députée iranienne Parvaneh Salahshouri.

نایب قهرمانی تیم #پرسپولیس را تبریک عرض می‌کنم.
با آنکه موافق حضور گزینشی و حداقلی نبوده و نیستم اما حضور امروز #زنان را به فال نیک می‌گیرم. به امید روزی که #زنان_ایرانی بتوانند آزادانه و بدون محدودیت همراه با خانواده به تماشای مسابقات #فوتبال بنشینند.#زنان_ورزشگاه

  Parvaneh Salahshouri پروانه سلحشوری (@P_Salahshouri) 10 novembre 2018

"La porte [des stades] est entrouverte [...]. Nous devons tous pousser pour l'ouvrir complètement", a dit pour sa part Hedieh Khatibi, saluant "un pas dans la bonne direction".

Les femmes dans les stades associées au "péché"

Depuis près de quarante ans, à la suite d'une décision prise rapidement après la victoire de la révolution islamique de   1979 en   Iran, les femmes n'ont pas le droit de se rendre dans les gradins des stades. En   2001, pour la première fois depuis cette radiation des femmes, une vingtaine d'Irlandaises avaient pu assister à un match de football masculin dans un stade en   Iran. Les Iraniennes, elles, ont dû attendre 2005. Et encore, cette fois-là, seules quelques dizaines de femmes avaient pu assister à une rencontre entre leur équipe nationale et le   Bahreïn.

Depuis lors, des Iraniennes ont été autorisées à assister à des matchs de football masculin en de très rares occasions, et toujours en nombre limité.

L'interdiction des femmes dans les stades est régulièrement critiquée au sein même du système politique iranien. L'actuel président Hassan Rohani, un conservateur modéré, a lui-même dit à plusieurs reprises sa volonté de voir les femmes accéder aux stades.

Ce projet continue néanmoins de se heurter à l'opposition du clan ultraconservateur. Le 17   octobre, après que les autorités locales eurent autorisé la veille une centaine de femmes à assister à un match amical, le procureur général du pays avait ainsi averti qu'il ne laisserait pas se répéter pareille occasion, susceptible selon lui de mener "au péché".

Avec AFP