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Affaire Khashoggi : le revirement saoudien en quelques dates clés

L'Arabie saoudite a admis formellement, samedi, que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi avait été tué à l'intérieur du consulat du royaume à Istanbul. Retour sur dix-sept jours d'une affaire qui a pris une envergure mondiale.

Riyad avait jusqu’à lors toujours affirmé que Jamal Khashoggi, entré le 2   octobre au consulat d'Istanbul pour des démarches administratives, en était ressorti et il avait qualifié de "sans fondement" des accusations de responsables turcs selon lesquelles le journaliste avait été tué au consulat. Chronologie d'un revirement sous pression.

Mercredi 3 octobre : les premières interrogations

Vingt-quatre heures après que le très réputé éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, critique du pouvoir wahhabite exilé aux États-Unis depuis un an, était entré dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, sa compagne donne l'alerte. Jamal Khashoggi s’est rendu dans la représentation saoudienne pour un rendez-vous fixé à 13 heures au cours duquel il devait retirer des documents en vue d’un futur mariage, après avoir effectué cette demande lors d’une première visite, le 30 septembre. L'éditorialiste n’en serait jamais sorti.

La situation est immédiatement confuse et les scénarii divergent fortement. Selon Ibrahim Kalin, porte-parole du président turc, Jamal Khashoggi serait toujours dans l’enceinte diplomatique. Il a précisé être en contact avec des responsables saoudiens. De son côté, l’ambassade du royaume wahhabite de Washington assure que les informations selon lesquelles le journaliste est retenu au consulat sont "fausses". La mission diplomatique affirme que Jamal Khashoggi s'est rendu au consulat "pour demander des documents relatifs à son statut marital et en est sorti peu après". Le consulat général d'Arabie saoudite à Istanbul ajoute, dans la soirée de mercredi, que l'éditorialiste a disparu après avoir quitté le consulat saoudien, affirmant travailler en coordination avec les autorités locales turques sur cette affaire.

Dimanche 7 octobre : Erdogan fait pression

Tandis que des sources turques parlent dans la presse d’un assassinat à propos de Jamal Khashoggi, le président turc Recep Tayyip Erdogan dit attendre les conclusions de l'enquête. "Quel que soit le résultat, nous le communiquerons au monde", a déclaré Recep Tayyip Erdogan à des journalistes, tout en se gardant de donner du crédit aux informations sur l'assassinat du journaliste, qui collabore avec le Washington Post, entre autres. "Nous espérons avoir des résultats très rapidement."

Jeudi 11 octobre : la pondération économique de Washington

Donald Trump réclame des explications au sujet de la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, tout en rassurant sur la poursuite des ventes d'armes à Riyad. Les Saoudiens "dépensent 110 milliards de dollars en équipements militaires et sur des choses qui créent des emplois (...) dans ce pays. Je n'aime pas l'idée de mettre fin à un investissement de 110 milliards de dollars aux États-Unis" qu'ils risqueraient de "dépenser en Russie ou en Chine", a-t-il lancé depuis la Maison Blanche. "Si cela s'avère finalement aussi mauvais que cela semble en avoir l'air, il y a certainement d'autres moyens de gérer la situation", a-t-il ajouté.

Lundi 15 octobre : perquisition au consulat d’Istanbul

Après des jours de tractations, les autorités turques ont pu fouiller le consulat saoudien à Istanbul. La perquisition, qui a débuté en début de soirée, lundi, a duré neuf heures. La fouille du bâtiment consulaire avait été autorisée dès le 9 octobre par les Saoudiens, mais n'avait pas encore pu avoir lieu en raison d'un désaccord sur ses modalités, selon les médias turcs. Le président turc a pressé à plusieurs reprises, en vain, les autorités saoudiennes de présenter des images prouvant que Jamal Khashoggi avait bel et bien quitté le consulat.

Le ministre saoudien de l'Intérieur a démenti quant à lui les allégations qui "circulent sur des ordres pour tuer" le journaliste Jamal Khashoggi. Vendredi, une délégation saoudienne est arrivée en Turquie pour enquêter sur sa disparition.

Mardi 16 octobre : les doutes de Washington

Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, rencontre le roi Salmane d’Arabie saoudite et le prince héritier, Mohammed ben Salmane, le 16 octobre. Selon lui, Riyad promet une enquête approfondie sur la disparition du journaliste Jamal Khashoggi. "À chacune des réunions aujourd'hui, les dirigeants saoudiens ont fermement nié avoir connaissance de ce qu'il s'est passé dans leur consulat à Istanbul", a dit le chef de la diplomatie américaine dans un communiqué. "Il y a une réelle volonté de déterminer ce qu'il s'est passé et de poursuivre les coupables, y compris d'éventuels coupables parmi les hauts dirigeants ou les hauts représentants d'Arabie saoudite", a-t-il ajouté.

Mike Pompeo et MBS ont souligné la nécessité de mener une enquête approfondie et transparente, a rappelé un peu plus tôt la porte-parole du département d'État, Heather Nauert. Le responsable américain devait ensuite se rendre le mercredi à Ankara pour informer la Turquie des éléments qu'il a pu recueillir.

Mercredi 17 octobre : des enregistrements compromettants

Plusieurs médias rapportent que les autorités d'Ankara sont en possession d'un enregistrement audio attestant que Khashoggi a été tué dans le consulat. Le journal Yeni Safak, proche du pouvoir turc, a retranscrit des extraits d'un enregistrement audio indiquant, selon lui, que Khashoggi a été interrogé et torturé. Le journaliste aurait été tué en quelques minutes, puis ses bourreaux l'ont décapité et démembré. Le meurtre aurait été mené par une équipe d'une quinzaine de saoudiens qui ont regagné le jour même leur pays.

D'après le New York Times, qui s'appuie sur des témoignages et des documents, quatre de ces suspects font partie du personnel chargé de la sécurité du prince Mohammed ben Salmane. Le corps de Khashoggi ne se trouverait plus au consulat et aurait été donné à un "opérateur local".

Jeudi 18 octobre : Trump demande des comptes à Riyad

Le président américain admet pour la première fois que le journaliste saoudien disparu Jamal Khashoggi est très probablement mort.

Le locataire de la Maison-Blanche, tout en laissant un délai supplémentaire à Riyad pour s'expliquer, menace la pétromonarchie de "très graves" conséquences si sa responsabilité était confirmée. "Cela me semble bien être le cas. C'est très triste", a déclaré Donald Trump avant d'ajouter : "C'est mauvais, très mauvais".

Ces déclarations marquent un net changement de ton de la part du locataire de la Maison-Blanche. Le même jour, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, annonce qu'il ne se rendrait pas à une conférence économique organisée à Riyad et boycottée par un nombre croissant de personnalités, dont le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire.

Déjà, mercredi 17 octobre, sous le feu des critiques, le président américain a assuré ne pas chercher à couvrir l'Arabie saoudite, dans l'affaire Khashoggi. "Je veux juste savoir ce qui se passe", a-t-il affirmé disant s'attendre à ce que la vérité éclate "d'ici à la fin de la semaine".

Samedi 20 octobre : Riyad publie sa version de la mort de Khashoggi

Pressé par l’attention mondiale portée sur cette disparition, Riyad finit par confirmer la mort de Jamal Khashoggi. L’annonce est relayée peu avant l'aube par l'agence de presse officielle saoudienne SPA. L’éditorialiste est annoncé comme mort à la suite d'une rixe. "Les discussions qui ont eu lieu entre lui et les personnes qui l'ont reçu au consulat saoudien à Istanbul ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing avec le citoyen Jamal Khashoggi, ce qui a conduit à sa mort, que son âme repose en paix", a déclaré le procureur procureur général saoudien Cheikh al-Mojeb.

Le couac de communication incomberait donc à la "tentative" par les personnes qui l'avaient interrogé de "dissimuler ce qui est arrivé", selon le département international du ministère saoudien de l'Information. Autre élément d’importance : le limogeage de deux hauts responsables saoudiens et l'arrestation de 18 suspects, tous saoudiens, est également rendu officiel.