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Entre 1933 et 1945, Hitler et les nazis s'en sont aussi pris aux œuvres d'art

Le documentaire "Hitler vs Picasso et les autres" retrace l’histoire vraie des chefs-d’œuvre pillés ou interdits par les nazis, qu’on peine encore à retrouver 80 ans plus tard.

"C’était beaucoup plus qu’une obsession pour l’art. C’était l’obsession d’annuler une culture toute entière. Ils voulaient détruire le peuple juif. C’était une arme, une autre arme pour les Allemands", résume Christopher A. Marinello, avocat de l’Art Recovery International en ouverture du documentaire "Hitler vs Picasso et les autres", réalisé par l’Italien Claudio Poli et diffusé dans 150 salles françaises les 17 et 18 septembre 2018.

Du Troisième Reich d’Adolf Hitler, on connaît malheureusement le triste bilan humain des cinq à six millions de Juifs exterminés entre 1933 et 1945. Mais on connaît un peu moins le sort réservé aux trésors artistiques de l’époque. En fait, ce sont environ 600 000 peintures, sculptures, tapisseries et autres œuvres d’art qui ont été pillées dans des appartements de particuliers, des musées et des galeries ou même des églises.

Ventes aux enchères et collection personnelle d'Hitler

Alors que les nazis mettent à sac toute l’Allemagne et ses environs, certains collectionneurs – pour la plupart Juifs – ont été envoyés en camp de concentration pour avoir refusé de donner leurs œuvres ou tentés de les faire sortir du pays. Quand d’autres familles ont vendu au régime tous leurs biens en échange d’un visa d’expropriation qui leur assurait la vie sauve. Et les institutions n’étaient pas non plus à l’abri. En 1937 par exemple, 650 tableaux et sculptures ont été volés dans 32 musées allemands sur ordre d’Adolf Hitler.

Mais que faisait le régime de toutes ces toiles ? Certaines ont d’abord été vendues aux enchères, surtout en Suisse, pour renflouer les caisses du Reich, comme ce fût le cas du célèbre "Autoportrait dédié à Paul Gauguin" de Van Gogh, acheté à l’époque par un Américain pour 175 000 francs suisse et qui trône désormais dans une des salles du Fogg Art Museum de Boston.

D’autres, parmi lesquelles des chefs-d’œuvre de Marc Chagall, Wassily Kandinsky, Pablo Picasso, mais aussi des impressionnistes Matisse et Monet, sont rassemblées au sein de l’exposition "Art dégénéré" en 1937 à Munich. Adolf Hitler entend y montrer toutes les déviances des artistes mis à l’index – en opposition à l’art classique et aryen que chérissait le régime. "De nombreuses œuvres furent pendues de façon confuse, tordue, en partie sans cadre, de façon à ce que tout semble particulièrement chaotique et laid", raconte l’historien de l’art Berthold Hinz dans le documentaire "Hitler vs Picasso et les autres". L’exposition, devenue itinérante en Allemagne et en Autriche, aura attiré à l’époque jusqu’à 2 millions de visiteurs.

Enfin, d’autres œuvres volées par les nazis ont rejoint les collections personnelles d’Adolf Hitler – qui nourrissait l’idée d’ouvrir un "Louvre de Linz" dans sa ville natale – et Hermann Göring, maréchal du Reich et numéro 2 du régime. Les deux hommes se disputaient en fait les plus belles œuvres des pays occupés. Ainsi en 1945, lorsque les Américains font l’inventaire du trésor d’Hermann Göring, ils recensent 1 376 peintures, 250 sculptures et 168 tapisseries – d’une valeur équivalente à 50 millions de marks. Au milieu de ces toiles : "Le Christ et la femme adultère" de Vermeer qui s’avère être une copie réalisée par Han Van Meegern et dans laquelle Göring avait investi beaucoup d’argent ! À l’issue d’un procès médiatisé, le faussaire deviendra un héros national pour avoir dupé les nazis.

100 000 œuvres toujours portées disparues

Depuis l’effondrement du Troisième Reich, il y a 80 ans, certains de ces chefs-d’œuvre refont surface dans des circonstances parfois surprenantes. En février 2012, 1 500 tableaux, dessins et sculptures sont retrouvés dans l’appartement d’un certain Cornelius Gurlitt à Munich lors d’une enquête de routine de la police. Le vieil homme de 80 ans a hérité ce butin de son père, Hildebrand Gurlitt, historien de l’art et marchand d’Hitler qui avait toujours assuré que sa collection avait "disparue en 1945 lors du bombardement de Dresde." Parmi les œuvres sont retrouvées un Matisse, volé au galeriste parisien Paul Rosenberg par le marchand pour le compte du régime nazi, mais aussi d’autres toiles saisies pour l’exposition "Art dégénéré" de 1937.

Cette découverte capitale a d’abord été tenue secrète par les autorités allemandes, gênées de mettre la main sur un tel héritage du pillage nazi. C’était sans compter sur le travail des journalistes du magazine Focus, qui révèlent l’affaire en novembre 2013. "Les Allemands ont vraiment beaucoup fait pour remédier aux torts du passé, mais l’art est leur talon d’Achille. Ils n’ont jamais vraiment affronté le problème", concède Anne Webber, cofondatrice de la Commission for Looted Art in Europe, qui tente de défendre la mise en place d’une politique de restitution de l’art spolié.

Comme elle, de nombreux historiens de l’art et avocats s’efforcent de retrouver les œuvres et leurs propriétaires originaux, au terme de procédures souvent très longues et compliquées. "Travailler à la recherche d’une signifie l’identifier, découvrir par quelles mains et combien elle est passée, si on en a changé le titre ou le nom de l’auteur pour en effacer l’histoire, si elle va être vendue aux enchères ou si elle se trouve dans un musée", détaille Toni Servillo, narrateur du documentaire "Hilter vs Picasso et les autres". À ce jour, il resterait plus de 100 000 œuvres à retrouver.

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