
Le Parlement européen, qui a entendu mardi le Premier ministre hongrois Viktor Orban dans le cadre de la procédure de l'article 7 sur la violation des valeurs européennes, doit se prononcer mercredi sur d'éventuelles sanctions contre Budapest.
Viktor Orban sur le banc des accusés. Le Premier ministre hongrois s'est défendu mardi 11 septembre devant le Parlement européen de porter atteinte aux valeurs fondamentales de l'UE à travers sa politique. Combatif et véhément, Viktor Orban a martelé que son pays ne céderait pas au "chantage". "Je n'accepterai pas que les forces pro-immigration nous menacent, fassent un chantage et calomnient la Hongrie sur la base de fausses accusations", a lancé le dirigeant ultra-conservateur à l'adresse des parlementaires. Il a ensuite qualifié le débat d'"absurde", lors d'une conférence de presse.
Les "préoccupations" de Bruxelles
L’intéressé a été entendu car, pour la première fois, le Parlement européen fait usage de son droit de lancer la procédure dite de l'article 7 et de demander aux membres de l'UE d'agir pour prévenir d'un "risque de violations graves de ses valeurs" en Hongrie. La décision sera prise mercredi lors d'un vote à la mi-journée.
Le rapport de l'eurodéputée Judith Sargentini (Verts) établit une longue liste de "préoccupations" portant sur le bafouement des libertés et valeurs prônées par l'UE dans la presse, au sein des universités, contre les minorités, contre les migrants, mais aussi en matière de corruption et d'indépendance de la justice.
"Laisserez-vous un gouvernement bafouer sans conséquences les valeurs sur lesquelles cette Union s'est construite ? Ou ferez-vous en sorte que les valeurs de cette Union soient plus que de simples mots écrits sur un bout de papier ?", a demandé l'élue néerlandaise à ses collègues.
Un vote serré
Le vote s'annonce serré : outre la simple majorité des voix (376), la résolution doit recueillir au moins les deux tiers des suffrages exprimés. Un résultat d'autant plus difficile à obtenir que le principal groupe politique au Parlement, le Parti populaire européen (PPE, droite, 218 eurodéputés), accueille en son sein le Fidesz, le parti de Viktor Orban (12 représentants). Le PPE regroupe aussi des formations comme la CDU d'Angela Merkel, le Parti populaire chrétien-social du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker ou encore Les Républicains en France.
Comme l'a rappelé le numéro deux de la Commission européenne, Frans Timmermans, l'exécutif européen a jusqu'à présent recouru à plusieurs procédures d'infraction pour exprimer son mécontentement à l'égard du gouvernement hongrois : sur le non-respect de la législation de l'UE en matière d'asile, sur la loi qui rend passible de poursuites pénales l'aide aux migrants, sur le financement des ONG et sur la loi sur l'enseignement supérieur, allant jusqu'à citer la Hongrie devant la justice européenne. "La Commission utilise tous les instruments à sa disposition pour s'attaquer à ces préoccupations de la façon la plus efficace", a souligné M. Timmermans. "La Commission n'hésitera pas à prendre plus de mesures si nécessaire", a-t-il assuré.
La procédure de l'article 7 est rarissime : elle a été lancée pour la première fois fin décembre 2017 contre la Pologne, à l'initiative de la Commission européenne.
Pour sa défense, le gouvernement hongrois a mis en ligne une "fiche d'information" de plus de 100 pages en réponse aux critiques du Parlement. "Le présent rapport bafoue l'honneur de la Hongrie et du peuple hongrois. Les décisions hongroises sont prises par les électeurs", a rétorqué de son côté Viktor Orban, estimant que son pays était puni pour avoir une vision "différente" sur la "nature chrétienne de l'Europe", le "rôle des nations", la "vocation de la famille" ou encore les "questions migratoires".
Ligne dure anti-immigration, style autoritaire, prises de position anti-UE, le dirigeant hongrois incarne la vague populiste qui déferle en Europe. Fin août, il avait, après une rencontre avec le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini, désigné le président français Emmanuel Macron comme son ennemi en Europe.
"Arrêtez le cauchemar"
Plusieurs chefs de groupes politiques en faveur de la procédure de l'article 7 ont interpellé directement leurs collègues du PPE, formation de droite modérée, pour qu'ils prennent position contre Viktor Orban. "S'il vous plaît, arrêtez ce cauchemar", a plaidé le libéral Guy Verhofstadt, farouche opposant à la politique de Budapest.
La question est d'autant plus sensible à huit mois des élections européennes et alors que le président du groupe PPE, l'Allemand Manfred Weber, soutenu par la chancelière Angela Merkel, a été l'un des premiers à montrer son intérêt pour le poste de futur président de la Commission.
Selon Viktor Orban, le PPE n'est pas divisé sur la question de la démocratie, mais sur celle de la migration. "S'il ne peut décider de son cap, nous échouerons" aux élections européennes, a-t-il prédit.
Au sein des autres groupes, le Premier ministre hongrois peut compter sur le soutien des souverainistes, des eurosceptiques et de l'extrême droite. La gauche, l'extrême gauche, les libéraux et les Verts appuient la résolution.
Avec AFP