
Lors du premier voyage en Irlande d'un pape depuis 39 ans, François a exprimé samedi sa "honte" face à l'"échec" des autorités de l'Église catholique pour affronter les abus sexuels commis par le clergé sur des milliers d'enfants.
Le pape François, en déplacement en Irlande samedi 25 août, a évoqué sa "honte" et sa "souffrance" face à "l'échec des autorités ecclésiastiques" confrontées aux "crimes ignobles" du clergé de ce pays. Le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, lui avait rappelé plus tôt que les blessures des abus sexuels commis par des prêtres contre des enfants n'étaient pas refermées et que le Vatican devait désormais passer de la parole aux actes.
Les dirigeants de l'Église catholique irlandaise sont accusés d'avoir couvert des centaines de prêtres soupçonnés d'avoir commis des abus sexuels sur des milliers d'enfants pendant plusieurs décennies.
"L'échec des autorités ecclésiastiques – évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres – pour affronter de manière adéquate ces crimes ignobles a justement suscité l'indignation et reste une cause de souffrance et de honte pour la communauté catholique. Moi-même, je partage ces sentiments", a déclaré le souverain pontife devant les autorités politiques et civiles irlandaises, peu après son arrivée à Dublin.
Pensée particulière pour les femmes
"Je ne peux que reconnaître le grave scandale causé en Irlande par les abus sur les mineurs de la part des membres de l'Église chargés de les protéger et de les éduquer", a commenté le pape, qui a eu une pensée particulière aussi pour "les femmes qui, dans le passé, ont subi des situations particulièrement difficiles". Des enquêtes ont révélé l'ampleur des pratiques d'adoptions illégales d'enfants nés de femmes non mariées, réalisées par l'État irlandais avec la complicité de l'Église.
En fin de journée samedi, François a rencontré pendant une heure et demie huit victimes irlandaises d'abus commis par des membres du clergé, des religieux et des personnes au sein d'institutions catholiques, a annoncé le porte-parole du Vatican.
La visite du pape François dans une Irlande toujours sous le choc des scandales de pédophilie intervient au moment où de nouvelles révélations frappent l'Église, notamment aux États-Unis, où un rapport publié il y a deux semaines par le procureur général de Pennsylvanie a dénoncé les abus sexuels commis par 300 prêtres pendant 70 ans aux dépens d'un millier de victimes.
Le pape argentin a fait référence à son prédécesseur Benoît XVI, qui avait écrit en 2010 une lettre à tous les catholiques irlandais, reconnaissant la responsabilité de l'Église dans les abus commis en Irlande. "Son intervention franche et résolue continue à servir d'encouragement aux efforts des autorités ecclésiales pour remédier aux erreurs passées et adopter des règles rigoureuses visant à assurer que cela ne se reproduise pas de nouveau", a-t-il estimé.
Manifestations prévues
"L'Église en Irlande a joué, dans le passé et le présent, un rôle de promotion du bien des enfants qui ne peut pas être occulté", a cependant tenu à souligner le souverain pontife. "Je souhaite que la gravité des scandales des abus, qui ont fait émerger les défaillances de beaucoup, serve à souligner l'importance de la protection des mineurs et des adultes vulnérables de la part de toute la société", a ajouté le pape.
Il n'a pas convaincu son ancienne conseillère sur les abus pédophiles du clergé, la victime irlandaise Marie Collins. "Décevant, rien de nouveau", a assené aux journalistes cette septuagénaire porte-voix des "survivants", elle-même victime à 13 ans d'abus sexuels d'un prêtre.
François, qui effectue ce voyage en Irlande 39 ans après celui de Jean Paul II dans une société irlandaise en pleine sécularisation, a aussi encouragé la population à garder la foi. "Je prie afin que l'Irlande, tandis qu'elle écoute la polyphonie du débat politico-social contemporain, n'oublie pas les vibrantes mélodies du message chrétien, qui l'ont soutenue dans le passé et peuvent continuer à le faire dans l'avenir", a-t-il plaidé.
Dans l'après-midi, le pape a prié en silence avec l'archevêque de Dublin Diarmuid Martin devant un cierge dédié depuis 2011 aux victimes irlandaises d'abus sexuels, dans la plus grande cathédrale de la ville, St Mary's. La visite du pape en Irlande doit se prolonger dimanche avec une messe au Phoenix Park de Dublin. Plusieurs manifestations contre la venue du souverain pontife sont prévues.
Avec AFP et Reuters