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Les revers judiciaires de deux anciens proches de Donald Trump mettent dans l'embarras le président à trois mois des élections de mi-mandat. Les cadres démocrates restent cependant prudents à l'idée de faire de l'impeachment un argument de campagne.

C'est une ritournelle qui reste dans la tête et qui revient à chaque nouveau scandale qui touche l'administration Trump : le 45e président des États-Unis ira-t-il au bout de son mandat ou fera-t-il l'objet d'une procédure de destitution (ou impeachment selon l'expression consacrée au pays de l'oncle Sam) ? Avec la condamnation de l'ancien directeur de campagne, Paul Manafort, et le plaider-coupable de l'ancien avocat personnel du président, Michael Cohen, la question agite de nouveau l'opinion publique et les médias.

Alors qu'il pourrait capitaliser sur la promesse de destituer Donald Trump en cas de victoire aux élections de mi-mandat de novembre 2018 (midterms), le parti démocrate reste cependant prudent. Spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université Paris-2-Panthéon-Assas, Jean-Éric Branaa apporte son éclairage à France 24 sur la stratégie du parti bleu à l'approche de l'échéance électorale.

France 24 : Avec les condamnations de Paul Manafort et de Michael Cohen, que risque le président Trump juridiquement ?

Jean-Éric Branaa : En l'état des informations que l'on connaît, Donald Trump ne risque rien. L'affaire Manafort est une affaire privée de fraudes et de détournements de fonds dans le cadre de ses pratiques d'homme d'affaires. Cela ne touche ni Donald Trump, ni les activités de sa campagne.

Dans l'affaire Michael Cohen, c'est la même chose. Là encore, il s'agit de fraudes et d'utilisations frauduleuses de ses finances. Mais quand ce dernier a indiqué avoir fait un paiement à deux femmes pour le compte d'une personne briguant un poste fédéral, ça a semé le trouble. Cependant, premièrement, il n'a pas désigné nommément Donald Trump et, deuxièmement, on se rend compte que, même si le milliardaire était impliqué, il n'y a pas grand-chose sur le plan légal.

Si l'affaire fait beaucoup de bruit, c'est surtout pour ses aspects politiques et moraux. On considère que le président des États-Unis doit être irréprochable, ce qui implique pour beaucoup que son entourage doit également l'être.

Les démocrates ont longtemps agité la menace d'un impeachment de Donald Trump en le transformant en argument de campagne pour les midterms : pourquoi sont-ils plus discrets aujourd'hui ?

L'argument de l'impeachment est toujours utilisé par certains démocrates. Les jeunes pousses du parti l'ont souvent brandi dans leur campagne des primaires et il est toujours utilisé par ceux qui aspirent à être élus dans des États anti-Trump, notamment sur la côte ouest et dans le nord-est du pays. Ils veulent faire de l'élection un référendum anti-Trump et espère capitaliser là-dessus. En cas de victoire démocrate, il se trouvera forcément un jeune élu pour lancer la procédure de destitution.

Pour les cadres démocrates, c'est différent. Ils connaissent le fonctionnement du Congrès. Ils savent bien qu'un impeachment ne peut pas prospérer. Car celui-ci comporte deux parties : la première est la mise en accusation et la deuxième le procès devant le Sénat. Et dans ce dernier, les démocrates n'ont pas la majorité et ont très peu de chances de l'obtenir en novembre. Donald Trump serait alors blanchi et pourrait donc clamer qu'il avait raison et que c'était bien "une chasse aux sorcières".

Les cadres du Parti démocrate veulent donc éviter de réveiller la base de Trump ?

La base de Donald Trump ne s'intéresse pas aux midterms car c'est une élection locale. Les cadres du Parti démocrate ne veulent donc pas risquer une nationalisation du scrutin en référendum anti-Trump, ce qui pourrait réveiller les électeurs ayant voté pour le président américain en 2016. Dans une campagne moribonde, les électeurs républicains se mobilisent peu au contraire des démocrates qui veulent leur revanche.

Une menace d'impeachment pourrait donc se retourner contre les démocrates ?

La question de l'impeachment arrive trop tôt.  Les cadres démocrates se souviennent de 1998. Les républicains avaient tout fait pour destituer Bill Clinton. Il avait été blanchi. On disait alors que l'électorat allait être remonté contre le président. C'est le contraire qui s'est produit. Donald Trump espère que l'histoire va se répéter. Il met de l'huile sur le feu en parlant de "chasse aux sorcières". Dans les prochains jours, on devrait voir les républicains affirmer que les démocrates n'ont aucun programme si ce n'est d'entraver l'action du président et donc voler le vote des électeurs de 2016.