Plus de 8 millions de Maliens sont appelés aux urnes dimanche pour un scrutin présidentiel aux enjeux forts sur le plan sécuritaire. Le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, et le chef de l'opposition, Soumaïla Cissé, sont donnés favoris.
Les Maliens votent dimanche 29 juillet pour un scrutin présidentiel qui pèsera sur le sort de l'accord de paix de 2015 et, au-delà, sur l'ensemble du Sahel, toujours confronté à la menace jihadiste malgré cinq ans d'interventions militaires internationales.
Plus de huit millions d'habitants de ce vaste pays enclavé d'Afrique de l'Ouest, comptant une vingtaine d'ethnies, sont appelés aux urnes pour reconduire le président Ibrahim Boubacar Keïta ou élire un de ses 23 concurrents, dont le chef de l'opposition, Soumaïla Cissé, et une seule femme, Djeneba N'Diaye.
La communauté internationale, présente militairement avec la force française Barkhane, qui a pris le relais de l'opération Serval lancée en 2013 contre les jihadistes, et les casques bleus de l'ONU, attend du vainqueur une relance de l'accord de paix signé en 2015 à Alger par le camp gouvernemental et l'ex-rébellion à dominante touareg, dont l'application accumule les retards.
Malgré cet accord, les violences jihadistes ont non seulement persisté, mais se sont propagées du nord vers le centre et le sud du pays, sous état d'urgence quasiment sans interruption depuis novembre 2015, puis au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires.
Au dernier jour de campagne vendredi, les jihadistes se sont invités dans le débat par la voix du chef de la principale alliance jihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda, le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, dirigeant de l'un des groupes islamistes qui s'étaient emparés de tout le nord du pays en 2012. "Ces élections ne sont rien d'autre que la poursuite d'un mirage et nos peuples n'en récolteront que des illusions, comme ils en ont pris l'habitude", a déclaré dans une vidéo le chef du "Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans".
Sécurité renforcée
Pour permettre la tenue du scrutin sur la plus grande partie du territoire, plus de 30 000 membres des forces de sécurité, nationales et étrangères, sont mobilisés, selon le ministère de la Sécurité intérieure.
En termes de sécurité, "aujourd'hui, on peut dire que les conditions minimales sont probablement réunies", a déclaré le chef de la mission de l'ONU dans le pays (Minusma), Mahamat Saleh Annadif, à la radio des Nations unies au Mali, Mikado FM, tout en appelant à rester "vigilant".
Dans le Nord, où l'État est peu ou pas présent, les groupes armés signataires de l'accord participeront également à la sécurisation du vote.
"De 1990 à maintenant, concrètement, il n'y a pas beaucoup d'efforts qui ont été fournis pour les régions du Nord en termes d'infrastructures, en termes de développement", a déclaré à l'AFP Baba Mahamane Touré, habitant de Tombouctou (nord-ouest), disant ne pas savoir pour qui voter.
Parmi les principaux prétendants figurent également l'ancien chef de gouvernement de transition, Cheick Modibo Diarra (avril-décembre 2012), astrophysicien de métier, et l'homme d'affaires Aliou Boubacar Diallo.
Polémique
Le taux de participation est traditionnellement bas, sensiblement inférieur à 50 %, au premier tour de l'élection présidentielle dans ce pays connu pour son rayonnement culturel, mais où moins d'un tiers des plus de 15 ans sont alphabétisés.
"Nous on va voter mais on a très peur, on a peur pour nos enfants, pour nos maris, nos frères, nos sœurs, tout", a affirmé Hawa Cissé, membre de la plateforme "Sauvons Mopti" (ville du centre du pays). "On ne peut même pas aller au marché, on ne peut pas aller derrière le fleuve" Niger, a-t-elle dit.
La campagne a été marquée par une polémique sur les listes électorales, l'opposition dénonçant un risque de fraude en raison de divergences entre le fichier ayant servi à l'établissement des cartes d'électeurs et celui mis en ligne. Mais le gouvernement assure qu'il n'existe qu'un seul fichier, expliquant les anomalies par un problème de serveur informatique.
Moussa Diombélé, boulanger à Bamako, préfère attendre pour se prononcer : "Il faut que les élections se passent d'abord, pour qu'on parle de la fraude".
Avec AFP