Il y a cent ans, au cours de la Première Guerre mondiale, les poilus se battaient aussi en Italie. Un siècle plus tard, quelques vestiges témoignent de la présence de ces soldats français dans la région de la Vénétie.
Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale en août 1914, l’Italie, jusque-là alliée de l’Allemagne et de l’Autriche (dans la Triplice), décide dans un premier temps de rester neutre. Mais en mai 1915, après avoir engagé des pourparlers secrets avec la Triple-Entente (France, Royaume-Uni, Russie), le royaume décide finalement de déclarer la guerre à l’Autriche-Hongrie, puis plus tard, en août 1916, à l’Allemagne, en échange de concessions territoriales en cas de victoire. Pendant deux ans, l’armée italienne se bat principalement dans les Dolomites et le Frioul, sur la Piave, l'Izonso, sur le plateau d'Asiago.
Mais en octobre 1917, les soldats italiens sont contraints de battre en retraite face à une offensive austro-allemande à Caporetto. Réagissant à cette lourde défaite, l’état-major français décide d’envoyer des renforts sur le front italien à l’hiver 1917. Les premières troupes françaises sont donc arrivées en Italie le 31 octobre 1917 et se sont disposées progressivement entre Mantoue et Vérone. Puis, un peu plus à l’est du Montello, sur la ligne Monfenera - Monte Tomba - Pederobba.
Ces soldats français sont engagés dans des combats au cours de l’hiver 1917, puis au printemps et à l’été 1918. Cent ans après, la présence de ces poilus en Italie, dans cette région de la Vénétie, est assez méconnue, mais sur place, quelques vestiges témoignent encore de leur passage.
L’ossuaire de Pederobba
Au pied du Monte Tomba-Monfenera, se trouve un édifice très imposant en mémoire des soldats français. Dans l’ossuaire de Pederobba repose plus de 990 soldats de la 47e division française. Le monument a été inauguré le 27 juin 1937 en parallèle à l’élaboration en France d’un grand cimetière militaire italien à Bligny, dans la Marne. Ces deux grandes statues assises symbolisent la France et l'Italie, sur les genoux desquelles repose le corps d'un soldat français.
Le coq de Conco
En juin 1918, les Français ont participé à la bataille du Piave sur le plateau d’Asiago. Dans le petit village de Conco, un objet étonnant rappelle la venue des Poilus. Un coq français trône dans la mairie. Il se trouvait autrefois dans le cimetière franco-italien édifié après la guerre. Il comptait alors 284 dépouilles de Français. Le cimetière a été démantelé en 1932 et la plupart des corps ont été transférés à l’ossuaire de Pederobba. Le coq est le seul vestige de ce lieu. Il a été retrouvé récemment chez des habitants du village. Une plaque rend également hommage à la fraternité d’armes entre les Français et les Italiens.
Le monument au chef d’escadron Emmanuel Muller
Pour découvrir d’autres traces des Français, il faut s’enfoncer dans la forêt sur le plateau d’Asiago. C’est ici que les poilus ont combattu en juin 1918. Certains y ont laissé leur vie comme le chef d’Escadron Emmanuel Muller du 78e régiment d’infanterie. Une plaque, perdue dans les bois, lui rend hommage. Il commande le 3e bataillon lorsqu’il est grièvement blessé. Sa dernière citation raconte ses derniers instants : "Beau soldat, servant en première ligne dans l'infanterie depuis le début de la guerre, exemple frappant du devoir et du courage. Frappé mortellement à son poste de combat, a donné jusqu'à la fin les preuves d'une élévation de sentiments, d'une énergie et d'une simplicité admirables. Est mort avec la seule pensée du devoir envers la patrie".
La couronne de fleurs de Valdobbiadene
La région de Valdobbiadene est aujourd’hui connue pour sa production de Prosecco. Mais il y a cent ans, les combats y faisaient rage. Les soldats français sont venus se battre ici dès octobre 1917. Ils essayaient alors de percer les lignes autrichiennes vers le Monte Tomba. Une centaine y a perdu la vie. Ils ont été enterrés dans le cimetière de Valdobbiadene avec quelques centaines d'autres Poilus tués dans cette zone. Le 22 octobre 1922, un monument en hommage aux soldats français a même été inauguré, là où se trouvait également un coq. Il a malheureusement été détruit par des partisans antifascistes au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le cimetière français a lui aussi disparu. Les corps des Poilus ont été regroupés dans l’ossuaire de Pederobba. À son emplacement, il ne reste plus rien, mis à part une photo et une magnifique couronne de perles aux couleurs tricolores retrouvées dans les années 1950 dans le cimetière communal. Ce témoignage émouvant avait été déposé par une délégation de poilus venus à l'époque en pèlerinage.