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Le service national universel loin des promesses de Macron

Un service national universel d'un mois obligatoire autour de l'âge de 16 ans sera lancé à l’été 2019. Le dispositif, qui reste à préciser, a été présenté mercredi en conseil des ministres. Il est loin des promesses de campagne d’Emmanuel Macron.

Promesse à moitié tenue ? C’était un engagement de campagne d’Emmanuel Macron, mais l’exécutif n’ira finalement pas aussi loin qu’annoncé. Le service national universel (SNU), dont les grandes lignes ont été présentées mercredi 27 juin en conseil des ministres, ne durera qu’un mois et n’aura rien d’un service militaire. Il suscite réserves et scepticisme dans les rangs de l'opposition qui pointe des contours flous et évoque un "gadget" tenant du "bricolage".

De quoi s’agit-il ?

Vingt-et-un ans après l'abandon du service militaire obligatoire décidé par Jacques Chirac, les jeunes français des deux sexes devront se rendre disponibles pendant un mois minimum. Le SNU concernera à terme 750   000 jeunes chaque année, qui auront la possibilité s'ils le souhaitent de s'engager jusqu'à 12   mois, conformément aux préconisations du groupe de travail présidé par le général Daniel Ménaouine.

La première phase d'un mois, potentiellement pendant les vacances scolaires, concernera les jeunes autour de l'âge de 16   ans, "avec 15   jours d'intégration avec un brassage social et un hébergement collectif", et 15   jours "plus personnalisés par groupe de 15", a précisé aux journalistes le ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, à l'issue du conseil des ministres. Ils suivront notamment des séances d’éducation civique, de formation aux premiers secours et d’information sur l’armée.

La deuxième phase, facultative, s'adressera aux jeunes entre 16 et 25   ans qui souhaitent "s'engager davantage encore pour trois, six ou douze mois" dans la culture, la défense, l'environnement, l'aide à la personne ou le tutorat.

Une consultation citoyenne, en ligne et sur le terrain, va être lancée jusqu'au 31   octobre sous l’égide du groupe de travail Ménaouine afin de trancher  certaines questions, avant des arbitrages de l'exécutif prévues à la fin de l'année.

Le SNU sera mis en place progressivement à partir de l'été 2019.

Qu’avait promis Emmanuel Macron ?

C’est lors de la présentation de sa future "politique de défense", le 18 mars 2017, qu’Emmanuel Macron avait fait cette proposition d’un "service national de durée courte, obligatoire et universel", "encadré par les armées et la gendarmerie nationale" pour les "jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge". En mai 2017, le futur président avait évoqué une durée de trois à six   mois.

Objectif : renforcer le lien entre l’armée et les citoyens. "La situation stratégique, les menaces qui pèsent sur notre pays nous commandent de renforcer le lien armées-nation", avait ainsi estimé le futur président, devant quelque 200 représentants du monde de la Défense, à Paris.

Dans une France secouée par une série d'attentats jihadistes, il y voyait "un projet de société majeur, un véritable projet républicain, qui doit permettre à notre démocratie d’être plus unie et d’accroître la résilience de notre société".

Pourquoi l’objectif de départ va être revu à la baisse ?

Face aux réticences de l’armée, le gouvernement a revu ses ambitions à la baisse. Très mobilisée sur le front des opérations, celle-ci redoutait d'être fortement mise à contribution dans l’encadrement de ce service national universel. Ce ne sera pas le cas   : on ne sait pas encore qui se chargera de l’encadrement, mais d’après Le Monde, "pour l’Élysée, cette fonction doit devenir un ‘métier à part entière'".   Le rapport Ménaouine suggère de le confier en partie à des engagés volontaires de la phase II du SNU, à des jeunes en service civique ou encore aux élèves des écoles de fonctionnaires.

Le gouvernement refuse pour l'heure de chiffrer ce projet en attendant que soient rendus les derniers arbitrages, à l'issue de la consultation des jeunes. Le groupe de travail a estimé le coût annuel d'une phase obligatoire d'un mois à 1,6   milliard d'euros "en rythme de croisière", hors investissements en infrastructure (1,7   milliard sur sept   ans). Soulagement pour les militaires, le budget du SNU ne sera comme prévu pas inclus dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.

Sur quoi portent les critiques ?

Le projet continue de susciter méfiance et perplexité en raison de son coût potentiel, du casse-tête posé par l'hébergement et l'encadrement de centaines de milliers de jeunes par an ou encore de son caractère obligatoire.

Les principales organisations lycéennes, étudiantes et de jeunesse ont fustigé dans une tribune les "incohérences" et le caractère "contraignant", ainsi que sa logique "démagogique", déplorant "le cadre obligatoire, rigide et contraignant que le projet semble faire émerger" et affirmaient que "la mixité sociale ne se décrète pas".

"En réalité, aujourd'hui, cette idée n'est pas réalisable sauf à mettre beaucoup d'argent sur la table", a estimé Daniel Fasquelle, député Les Républicains, jugeant qu'un SNU qui aurait "du sens" devrait durer six   mois.

Pour Sébastien Chenu, député Rassemblement national (RN, ex FN), le SNU proposé "est une sorte de colonie de vacances améliorée" qu'il compare à un "gadget".

Même sentiment de "bricolage" dans les rangs de La France insoumise, dont le député Adrien Quatennens a rappelé sur Sud Radio la proposition de son parti   : un "service citoyen" de neuf mois, entre 18 à 25   ans, rémunéré "au smic qui permettrait de faire un bilan en français, en maths, de passer le permis de conduire pourquoi pas et également des examens médicaux, et si possible avec une partie sur le maniement des armes mais avec un droit à l’objection de conscience".

Avec AFP et Reuters