Critiqué pour son silence, Emmanuel Macron a tenu à dénoncer, mardi, la "part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien" qui a refusé d'accueillir l'Aquarius et ses plus de 600 migrants, dérogeant au droit international.
Lors du Conseil des ministres, Emmanuel Macron a dénoncé, mardi 12 juin, l'attitude "cynique" et "irresponsable" de l'Italie, qui refuse d'accueillir le navire Aquarius et ses 629 migrants, plus de 24 heures après son appel de détresse.
Le chef de l'État français "a tenu à rappeler le droit maritime" qui indique "qu'en cas de détresse, ce soit la côte la plus proche qui assume la responsabilité de l'accueil".
L'exécutif français est sous la pression d'une partie de l'opposition de gauche, d'élus de la majorité et d'associations humanitaires pour faire un geste en faveur des 629 migrants dont 123 mineurs non accompagnés, 11 autres enfants et sept femmes enceintes qui se trouvent à bord de l'Aquarius. "La France n'est pas restée inactive au cours des 24 dernières heures", s'est défendu le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, en précisant qu'Emmanuel Macron allait s'entretenir mardi avec "les autorités maltaises, espagnoles et italiennes".
L'Espagne, trop éloignée ?
L'Espagne est le seul pays à ce stade à avoir proposé de le recevoir, à Valence, mais ce port est jugé trop éloigné par certains observateurs. Partageant le même constat, les dirigeants nationalistes corses ont proposé mardi matin d'accueillir l'Aquarius dans un des ports de l'île.
Manque de vivres, mauvaises conditions météo, et port espagnol trop éloigné : face à l'urgence, le Conseil exécutif de Corse propose à @SOSMedFrance d'accueillir l'#Aquarius dans un port #Corse
Gilles Simeoni (@Gilles_Simeoni) 12 juin 2018Une proposition rejetée par Benjamin Griveaux. "C'est un sujet de droit international, il n'est pas question de créer un précédent qui permettrait demain à des pays européens de se défausser de leur propres responsabilités sur leurs partenaires", a-t-il dit à la presse.
"Cynisme et irresponsabilité" de l'Italie
"Il y a une forme de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien face à cette situation humanitaire dramatique", a rapporté Benjamin Griveaux, à trois jours d'une rencontre entre Emmanuel Macron et le nouveau président du Conseil italien Giuseppe Conte.
"C'est l'Italie qui devrait, en la matière, assurer cette responsabilité, elle a choisi de ne pas le faire et de méconnaître les obligations internationales", a renchéri le Premier ministre Edouard Philippe à l'Assemblée nationale.
Au ministère français de l'Intérieur, on prévient que la proposition espagnole fait courir aux réfugiés des risques supplémentaires en raison de l'éloignement de ce port et on estime qu'il ne peut s'agir d'une "solution durable" puisqu'en cas de nouveau refus italien il faudra attendre qu'un pays "lève la main".
M. @EmmanuelMacron,
Vous ne pouvez pas :
- qualifier de 'crimes contre l’humanité' les persécutions des #migrants en Libye
- faire du sauvetage en mer une 'Grande cause nationale'
Et vous abstenir, au risque d'être complice de non-assistance à pers. en danger.#OpenFrenchPort https://t.co/Mwde6LKFQh
"Aider les autorités espagnoles"
Paris est prêt à envoyer sur place des personnels de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) "pour traiter les situations le plus efficacement possible".
"Nous sommes évidemment prêts à aider les autorités espagnoles pour accueillir et analyser la situation de ceux qui sur ce bateau pourraient vouloir bénéficier du statut de réfugié", a déclaré Édouard Philippe.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a demandé mercredi à Rome de revenir sur sa décision en raison de la distance qui sépare le bateau des côtes espagnoles.
Vif débat en France
En France, l'affaire de l'Aquarius a provoqué un vif débat au sein de la classe politique. Le député La République en Marche (LRLEM) François-Michel Lambert, plutôt classé à gauche, a ainsi déclaré à la presse qu'il était favorable à l'accueil des migrants de l'Aquarius et qu'il soutenait la proposition des nationalistes corses. "Je ne vois pas où est la difficulté", a-t-il ajouté. Un avis partagé par d'autres députés LREM.
À droite et à l'extrême droite, la tonalité reste au refus ferme d'accueillir ces migrants sur le territoire français. Sur CNews, le député Les Républicains Eric Ciotti a ainsi souhaité une "extrême fermeté des autorités françaises". "L'Aquarius a une destination toute trouvée, c'est qu'il retourne vers les côtes libyennes", a-t-il dit.
Quant à la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, elle a dénoncé dans un tweet l'attitude des dirigeants nationalistes corses.
Schisme profond entre la population corse qui pensait voter autonomiste pour défendre son identité, et se retrouve avec des dirigeants qui veulent faire de l’île un nouveau #Lampedusa. MLP #Aquarius https://t.co/yf7oyFHuB5
Marine Le Pen (@MLP_officiel) 12 juin 2018Avec Reuters et AFP