
Le régime éthiopien a tendu la main à son voisin érythréen en annonçant vouloir appliquer l'accord de paix signé en 2000 censé mettre fin au conflit frontalier entre les deux pays qui, entre 1998 et 2000, a fait au moins 80 000 morts.
C’est un pas historique. Le régime éthiopien, dirigé par le nouveau Premier ministre Abiy Ahmed, a fait souffler un vent de réformes sur le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, en annonçant notamment, mercredi 6 juin, la fin de son différend frontalier avec l'Érythrée.
De 1998 à 2000, Asmara et Addis-Adeba se sont violemment affrontés en raison de divergences sur la démarcation de leur frontière. Retour sur les grandes dates de ce conflit qui a fait au moins 80 000 morts.
1993 : la difficile accession à l’indépendance de l’Érythrée
Avant de devenir l’un des États les plus jeunes d’Afrique le 24 mai 1993, l’Érythrée a été colonisé par l’Italie jusqu’en 1941, puis par les Britanniques, avant que l'ONU décide en 1952 de fédérer l’Érythrée à l'Éthiopie, qui l'annexe en 1962. Pour l’Éthiopie, la victoire est importante. En récupérant ces territoires, elle retrouve deux accès à la mer.
Il faudra trente ans d’une guerre sanglante, lancée par le Front de libération de l’Érythrée, pour qu’Asmara se libère du joug de son voisin.
1998 : Badme au cœur d’une guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie
En accédant à l’indépendance en 1993, l’Érythrée fait perdre à l'Éthiopie son unique façade maritime sur la mer Rouge. Les deux voisins revendiquent plusieurs régions frontalières, tout en étant aussi en désaccord sur des questions monétaires et commerciales. Ces différends les poussent finalement à l’affrontement.
Le 6 mai 1998, un petit groupe de soldats érythréens entre dans la région de Badme, alors sous contrôle de l’Éthiopie. Des coups de feu éclatent. Quelques jours plus tard, l’Éthiopie mobilise ses forces pour un assaut contre l’Érythrée. Pendant deux ans, les deux pays se livrent une guerre fratricide qui fera près de 80 000 morts. En mai 2000, ayant repris la plupart des territoires contestés, l’Éthiopie déclare que la guerre est finie.
2000 : Les accords d’Alger
En juin 2000, l’Érythrée et l’Éthiopie signent un premier accord de paix. Une zone de sécurité temporaire de 25 kilomètres de large est créée à l'intérieur de l'Érythrée. Son contrôle est assuré par des patrouilles de la force de paix des Nations unies regroupant des soldats de 60 pays (Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE). Le 12 décembre 2000, les accords d'Alger sont finalement paraphés par les deux pays.
En 2002, une commission d'arbitrage soutenue par l'ONU tranche le tracé de la frontière, attribuant notamment la localité de Badme, point de contentieux, à l'Érythrée. Mais l'Éthiopie continue jusqu'à présent à occuper la ville.
Depuis, les deux pays maintiennent de nombreuses forces le long de leur frontière de 1 000 km de long et des affrontements périodiques ont laissé craindre une reprise d'un conflit à grande échelle, notamment en 2016. Les annonces du régime éthiopien, du 6 juin, laissent espérer un règlement de ce litige. "Le gouvernement éthiopien a décidé de mettre en œuvre pleinement l'accord d'Alger de la commission sur la démarcation de la frontière", a écrit la coalition au pouvoir dans un communiqué.
Reste à savoir si l'Érythrée acceptera cette main tendue. "Le gouvernement érythréen devrait adopter la même position sans condition préalable et accepter notre appel à restaurer la paix trop longtemps perdue entre les deux pays frères, comme c'était le cas auparavant", a fait savoir le régime éthiopien.