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Espagne : "C’est la mort politique de Mariano Rajoy"

Après sept années à la tête du gouvernement, Mariano Rajoy est en train de vivre - sauf miracle - ses dernières heures au pouvoir. Mais la crise politique n’est pas finie, affirme Benoît Pellistrandi, spécialiste de l’Espagne. Entretien.

L’indéboulonnable Mariano Rajoy va-t-il survivre au vote de défiance ? Il y a encore quelques jours, les analystes politiques étaient formels sur son maintien au pouvoir. Mais contre toute attente, les cinq voix du parti nationaliste basque (PNV) devraient permettre à la motion de censure déposée par le chef des socialistes (PSOE) Pedro Sanchez d'obtenir la majorité absolue de 176 sièges vendredi 1er juin.

Inébranlable malgré plusieurs sévères crises politiques, le chef du gouvernement a vu l'étau se resserrer après la condamnation du Parti populaire (PP, droite) dans une tentaculaire affaire de corruption la semaine dernière.

L'historien et spécialiste de l'Espagne contemporaine Benoît Pellistrandi revient pour France 24 sur cette crise politique sans précédent.

France 24 : Au vu des alliances qui se dessinent, la motion de censure contre Mariano Rajoy est en passe d’obtenir une majorité absolue de 176 voix. Que va-t-il se passer maintenant ?

Benoît Pellistrandi : À l’heure actuelle, deux scenarii sont possibles : Soit Mariano Rajoy démissionne avant 13 heures vendredi, ce qui empêchera que la motion de censure soit votée. Dans ce cas, le roi devra consulter tous les groupes parlementaires et négocier pour désigner un nouveau Premier ministre d’ici deux mois. C’est peut-être la solution la moins pire pour le chef du gouvernement s’il veut remettre les compteurs à zéro et garder le contrôle de son parti.

S’il ne choisit de ne pas présenter sa démission, Pedro Sanchez, le chef du Parti socialiste (PSOE) qui a déposé la motion de censure, s’installera dans le palais de la Moncloa.

Mercredi, Mariano Rajoy a pourtant déclaré qu'il n'avait aucune intention de démissionner et qu'il entendait mener à son terme son mandat de quatre années…

La chute est dure pour Mariano Rajoy qui se croyait à l’abri. Il a sous-estimé les effets du procès pour corruption "Gürtel", dans lequel le tribunal a conclu à "un authentique et efficace système de corruption institutionnel à travers des mécanismes de manipulation des marchés publics" et qui est l’origine de cette motion de censure.

Il ne faut pas oublier que le trésorier Luis Barcenas a été condamné pour corruption à 33 ans de prison et que le parti doit rembourser 250 000 euros. Mariano Rajoy paie le prix de son immobilisme dans cette affaire car il faut rappeler que le financement des campagnes de 2004, 2008 et 2012 étaient aussi en cause. La justice a également mis en doute la crédibilité de son témoignage qui avait nié l'existence de cette comptabilité parallèle devant le tribunal.

Mariano Rajoy paie aujourd’hui son impopularité ?

Les débats à la Chambre des députés ont été très agressifs ce matin. Ils ont viré au règlement de compte face au PP, qui est aujourd’hui largement discrédité : le PSOE a attaqué Mariano Rajoy sur la passivité de son parti et son fonctionnement depuis 2004. Ce soir, c’est la mort politique de Mariano Rajoy. Mais son parti aussi ressort largement traumatisé.

Mariano Rajoy doit sa chute au parti nationaliste basque, le PNV, qui à l’origine refusait de faire tomber le chef du gouvernement. Mais ce parti de centre-droit (5 voix) n’a pas supporté l’idée d’être l’unique soutien du PP. Pedro Sanchez a fait pencher la balance en promettant au PNV de soutenir le budget, qui comprend un investissement total de 540 millions d'euros pour la Communauté autonome basque et de gouverner avant de convoquer des élections.

Le vainqueur de cette crise politique s’appelle Pedro Sanchez ?

On pourrait croire à la victoire du leader du PSOE mais avec 74 sièges, le parti est dans l’incapacité de voter le moindre projet de loi. L’Espagne est aujourd’hui ingouvernable ! Pour obtenir les 180 voix nécessaires à la majorité, le PSOE va donc devoir donner des gages à l’autre parti de gauche Podemos et aux indépendantistes catalans. Selon moi, ce sont plutôt eux qui doivent sourire le plus en ce moment car face à ce gouvernement très fragile, ils vont clairement pouvoir reprendre la main.