logo

Législatives irakiennes : l'imam Moqtada Sadr en tête, le Premier ministre Haïdar al-Abadi sanctionné

La liste de l'imam chiite Moqtada Sadr était en tête des législatives irakiennes, selon les résultats partiels annoncés dimanche, loin devant le Premier ministre Haïdar al-Abadi. Les Irakiens ont ainsi marqué leur rejet de la classe politique.

Les Irakiens ont défié leur classe politique, et notamment le Premier ministre Haïdar al-Abadi soutenu par la communauté internationale. Donné favori des législatives, sa liste n'est arrivée qu'en troisième position des élections législatives du 13 mai.

Après dépouillement de la majorité des bulletins de vote, ce sont les deux mouvements chiites, l'un emmené par l’imam populiste Moqtada Sadr et l'autre par le Hachd al-Chaabi, supplétif de l'armée proche de l'Iran, chef de file de la lutte contre l’organisation État islamique (EI), qui arrivent respectivement en première et en deuxième position. L'ancien Premier ministre controversé Nouri al-Maliki s'est quant à lui placé loin derrière.

L'alliance inédite du leader chiite et des communistes sur un programme anti-corruption (La marche pour les réformes) arrive en tête dans six des 18 provinces, dont Bagdad, et en seconde position dans quatre autres. Ses partisans, qui manifestent chaque semaine contre la corruption à travers le pays, se sont rassemblés dans la nuit dans le centre de la capitale pour célébrer "la victoire sur les corrompus".

L'Alliance de la Conquête, une liste d'anciens commandants et combattants du Hachd al-Chaabi prend la tête dans quatre provinces, dont la ville méridionale de Bassorah, et est en seconde position dans huit autres. Haïdar al-Abadi est devancé dans toutes les provinces à l'exception de celle de Ninive, dont le chef-lieu est Mossoul, l'ancienne "capitale" de l'EI où le Premier ministre, allié, fait rare, à la fois de Washington et de Téhéran, avait annoncé la "libération" en juillet 2017.

Dans un premier temps, différents responsables politiques l’avaient placé en tête, laissant penser qu'il conserverait son poste.

Une classe politique rejetée en bloc

Pour ce premier scrutin après la victoire sur l'EI, 44,52 % des inscrits ont voté selon la commission électorale, soit la participation la plus basse depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Indépendamment de leur province ou leur confession, ceux qui ont voté ont dit vouloir de "nouvelles têtes" pour amener du sang neuf dans une classe politique inamovible depuis quinze ans.

Mais de façon générale, les électeurs ont infligé un camouflet à l'ensemble de la classe politique en boudant massivement les urnes. L'abstention a été telle qu'un candidat du Hachd al-Chaabi est allé jusqu'à plaisanter sur le fait qu'il y avait "plus de participants pour décrocher les affiches de campagne [...] que pour voter".

"L'importante abstention résulte du fait que les politiques menées depuis quinze ans ne convainquent plus les électeurs", analyse le politologue Amir al-Saadi. "La plupart des programmes des partis politiques des législatures précédentes étaient très attrayants sur le papier, mais dans la pratique les promesses se sont envolées", ajoute-t-il.

Un système politique sous influence

L'abstention a été moindre parmi les Kurdes et à Mossoul, nouvellement libérée du joug des jihadistes. La liste du vice-président laïc Iyad Allawi, bien placée dans les régions sunnites, reste la première force représentant cette minorité. Les jeunes, qui représentent 60 % de la population, ont été les grands absents de ce scrutin.

Nombre d'Irakiens ne croyaient pas en ce système politique, soumis à l'influence de Washington et Téhéran, qui auront leur mot à dire dans la formation du gouvernement. D'autant qu'aucune liste n'emporte la majorité.

En 2014, Iran et États-Unis s'étaient tacitement accordés sur le nom de Haïdar al-Abadi, écartant son rival au sein du parti Daawa Nouri al-Maliki, longtemps aux commandes du pays.

Avec AFP et Reuters