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Face au "mépris de l'État", les élus de banlieue tirent la sonnette d'alarme

Un maire qui démissionne pour dénoncer le "mépris de l'État", d'autres qui alertent sur la rénovation urbaine : la colère grandit chez les élus de banlieue, à quelques semaines d'un rapport très attendu sur la politique de la Ville.

La démission du maire de Sevran a-t-elle lancé un mouvement général auquel Emmanuel Macron devra bientôt répondre ? Stéphane Gatignon, maire de cette commune de Seine-Saint-Denis depuis 2001, a quitté ses fonctions, mardi 27 mars, déclarant à l’AFP être "usé" par le "mépris de l'État pour les banlieues".

L'édile écologiste (UDE), qui a tour à tour été engagé au Parti communiste, puis à Europe Écologie-Les Verts, avant de rallier en 2015 le mouvement Écologistes!, a fait part de sa démission lors du conseil municipal, mardi soir, quelques heures après l'avoir annoncée dans une interview au Monde et au Parisien.

"J’ai été élu à 31 ans, cela fait donc dix-sept ans que j’exerce cette fonction. Dix-sept ans durant lesquels on s’est battus comme des fous pour transformer Sevran, attirer de grands projets, comme l’arrivée du métro, faire exister la ville en dehors de la rubrique faits divers, a affirmé Stéphane Gatignon au Monde. Mon but a toujours été de péter le ghetto, mais je crois que, malgré les déclarations qui vont dans ce sens, les gouvernements successifs ne partagent pas cet objectif. On continue à faire de la banlieue un monde parallèle, structuré comme une société précaire qui ne s’en sort que grâce aux solidarités, à la débrouille, à la démerde. Je pense aujourd’hui que cette situation arrange tout le monde. Alors, à un moment, on fatigue, on perd le jus…"

Retrouvez la vidéo du discours de @Gatignon_Steph , le maire de @Sevranville, lors du conseil municipal du mardi 27 mars sur https://t.co/PG5VPAv8qR pic.twitter.com/1HkVUXpwZ2

  Ville de Sevran (@Sevranville) 28 mars 2018

Sa démission intervient à quelques semaines de la publication d'un très attendu "rapport Borloo" pour les quartiers, commandé à l'ancien ministre de la Ville par le gouvernement, et que Stéphane Gatignon a qualifié de "plan de la dernière chance".

L’ancien élu de Sevran égratigne au passage le "nouveau monde" d’Emmanuel Macron, bien qu’il ait soutenu le candidat d’En Marche lors de la dernière élection présidentielle. "Le nouveau monde de Macron, c’est le post-politique, des ministres sans expérience. [Lors de la réunion du 15 mars au ministère de la Cohésion des territoires sur la mission confiée à Jean-Louis Borloo], Mézard semblait plus intéressé par son chien que par ce que disaient les maires de banlieue devant lui, regrette-t-il dans Le Monde. Julien Denormandie est brillant, il veut bosser, mais il n’a jamais fait de 'popol' [politique, NDLR], comme on dit, il ne connaît pas la dynamique des rapports de force. Le terrain, il ne sait pas ce que c’est. L’appareil se bureaucratise."

"#noussommestousGatignon"

Stéphane Gatignon est un habitué des coups d’éclat. Ardent défenseur de la dépénalisation du cannabis, il avait réclamé en 2011 l'intervention de l'armée pour rétablir la sécurité dans sa ville, après une série d'homicides liés au trafic de drogue. Un an plus tard, il avait fait une grève de la faim devant l'Assemblée nationale pour obtenir des aides de l'État pour les villes pauvres.

Sa démission a depuis provoqué un mouvement chez les élus de banlieue. Mardi soir, le hashtag #noussommestousGatignon, était apparu sur les réseaux sociaux, tweeté par Philippe Rio, maire PCF de Grigny (Essonne) et Catherine Arenou, maire LR de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). "Nous, maires de banlieue, connaissons la violence, la misère et la relégation. Nous savons lutter contre. Cependant, nous ne tolérons pas le mépris du Gouvernement #noussommestousGatignon", a écrit Catherine Arenou.

Et mercredi, plusieurs élus de Seine-Saint-Denis ont publié une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron dans laquelle ils tirent la sonnette d'alarme sur les "difficultés" de la rénovation urbaine.

Nous, maires de banlieue, connaissons la violence, la misère et la relégation. Nous savons lutter contre. Cependant, nous ne tolérons pas le mépris du Gouvernement. #noussommestousgatignon@Gatignon_Steph @prio91350 @GillesLeproust @marcvuillemot @villeetbanlieue @leszebres pic.twitter.com/w9JoNI0qwI

  Catherine Arenou (@CatherineArenou) 27 mars 2018

"Monsieur le Président, la rénovation urbaine en Seine-Saint-Denis est en danger" et pour la "sauver", le département "a besoin d'un soutien financier hors normes", affirme cette lettre signée notamment par le président du département Stéphane Troussel (PS), le président de Plaine Commune Patrick Braouezec (PCF) et le maire d'Aulnay-sous-Bois Bruno Beschizza (LR).

Les élus rappellent que la rénovation urbaine a été chiffrée à "3 milliards d'euros" pour leur département. Mais les bailleurs rencontrent des "difficultés à boucler le financement", déplorent-ils, mettant en cause "la loi de finances 2018" et "la dégradation des financements de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU)".

"Monsieur le Président, vous devez avoir conscience qu'il faut recrédibiliser la parole publique, la vôtre mais aussi celle des élus locaux, qui portent les projets de rénovation urbaine", ajoute la lettre également signée des maires de Gagny Michel Teulet (LR), du Pré-Saint-Gervais Gérard Cosme (PS) et de Saint-Denis Laurent Russier (PCF).

Avec AFP