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Colombie : les Farc défaites dans les urnes et les candidats à la présidentielle désignés

Journée décisive en Colombie avec une défaite écrasante des Farc aux législatives et avec l'élection, au cours d’une primaire, des candidats de la droite et de la gauche à la présidentielle de mai.

C’est une élection présidentielle très polarisée qui s’annonce en Colombie, à l’issue des primaires organisées le 11   mars en même temps que des législatives qui ont vu la droite l’emporter. Victoire électorale de la droite dure, percée de la gauche, rejet massif des Farc… France 24 fait le point sur la journée électorale de dimanche.

Colombie : les Farc défaites dans les urnes et les candidats à la présidentielle désignés

Échec cuisant des Farc

Pour leur première participation à des élections après un demi-siècle de guérilla, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) , entrées en politique sous le nom de "Force alternative révolutionnaire commune", essuient un cuisant échec en n’atteignant même pas les 0,5   % des voix – à peine plus de 85   000 bulletins de vote. Quelques jours auparavant, la formation avait annoncé son retrait de la présidentielle qui se tiendra en mai, après les problèmes cardiaques de son candidat, l’ancien guérillero Rodrigo Londoño, alias Timochenko.

L'accord de paix signé en 2016 avec les Farc, après quatre ans de négociations, leur garantit cependant 10   des 280   sièges dans le prochain Parlement.

Cela "reflète le peu de soutien et même l'hostilité qu'il y a en Colombie envers les Farc", a indiqué Yann Basset, directeur de l'Observatoire des processus électoraux à l'université du Rosario, à l’AFP. "Dans des régions longtemps tenues par les Farc notamment, les votes se sont tournés vers des formations plus conservatrices, car la population est lasse des années de pression exercée par la guérilla", renchérit Daniel Pécaut, sociologue à l’EHESS, spécialiste de la Colombie, contacté par France 24.

La droite d’Uribe super star

L’ancien président colombien, chef de la droite, a été le parlementaire le plus brillamment réélu à son siège de sénateur. Il a engrangé 870   000 voix, et son parti, le Centre démocratique, s'est imposé au Congrès.

Il n'a certes pas la majorité absolue annoncée dans les sondages, mais se maintient au Sénat avec 19   sièges et a étendu sa présence dans la chambre basse avec 32   sièges. Il ralliera sûrement les parlementaires du Changement radical (centre droit) et certains du Parti conservateur, détracteurs du pacte passé avec l'ex-guérilla.

Ensemble, ils totalisent 134   des 280   sièges du nouveau Parlement, contre 109   auparavant.

Ce succès peut lui aussi être lu comme un rejet des Farc : "Uribe reste très aimé en Colombie, car c’est l’homme qui a vaincu la guérilla", estime Daniel Pécaut. Durant son mandat, de 2002 à 2010 , il a mené une campagne militaire brutale contre les Farc avant de céder la place à son successeur Juan Manuel Santos, acteur de l’accord de paix controversé, auquel Uribe et ses alliés s’opposent.

Ivan Duque, la "créature d’Uribe", candidat de la droite à la présidentielle

Mais dimanche, en Colombie, la droite et la gauche tenaient également leur primaire et élisaient leur candidat respectif pour l’élection présidentielle des 27 mai et 17 juin.

À droite, c’est le sénateur Ivan Duque qui l’a emporté. "La créature d’Uribe" comme le qualifie Daniel Pécaut, est un jeune avocat de 41 ans.

Comme son mentor, Ivan Duque rejette catégoriquement les accords de paix signés avec les Farc, en particulier le Tribunal spécial prévu pour les guérilleros qui permet aux ex-rebelles de bénéficier de peines alternatives à la prison après avoir avoué leurs crimes et dédommagé les victimes . Il s’oppose également à la participation des Farc à la vie politique et aux dispositions de la réforme agraire prévues par l’accord .

"Ivan Duque a l’appui du patronat, qui a confiance en ses propositions économiques et considère que son élection préserverait la sécurité macroéconomique du pays face aux politiques populistes de Gustavo Petro", analyse le quotidien espagnol El Pais.

Gustavo Petro, "anti-establishment", candidat de la gauche

En face, Gustavo Petro a été élu candidat de la gauche. C’est sans surprise que son camp l’a désigné : celui qui fut maire de Bogota de 2012 à 2015 est crédité de plus de 20   % des intentions de vote au premier tour de la présidentielle. La gauche tient ainsi pour la première fois une chance de parvenir à la tête de l'exécutif.

D’autant que le centre et la gauche ont fait une avancée inédite au Parlement lors des législatives de dimanche. Ces deux tendances qui soutiennent l'accord de paix ont obtenu 34   sièges. Avec ceux de l'ex-guérilla, elles pourraient parvenir à 44.

Gustavo Petro, économiste de 57 ans, est aux antipodes de son rival de droite. Passé par le M-19, une guérilla urbaine dissoute dans les années 1990, il a gagné en popularité grâce à un discours anti-establishment et anticorruption. Excellent orateur, il a su séduire les électeurs en fustigeant la classe politique traditionnelle et en dénonçant les inégalités sociales en Colombie.

Il n’a jamais caché son admiration pour l'ancien président vénézuélien Hugo Chavez mais assure regretter le virage pris par son successeur Nicolas Maduro. Ses adversaires conservateurs, dont Ivan Duque, jouent sur la peur qu’inspire le chaos vénézuélien, et mettent en garde contre une dérive "castro-chaviste" du candidat. "La gauche traditionnelle est également méfiante à son égard, certains de ses collaborateurs à la mairie de Bogota ont fait part de difficultés à travailler avec lui", rappelle Daniel Pécaut.

"En Colombie, pays extrêmement conservateur, les populismes ont jusqu’ici été impossibles, d’autant que les guérillas ont détruit ou instrumentalisé les mouvements sociaux", analyse Daniel Pécaut. Pour le chercheur, "les conservateurs craignent que l’accord de paix", qui sera l’enjeu principal de la présidentielle, "n’entraîne des revendications sociales dans ce pays, qui est l’un des plus inégalitaires au monde".