Face aux survivants de la tuerie du lycée de Floride, la NRA, le lobby pro-armes, a dépêché Dana Loesch pour donner un visage humain à l’organisation. C'était sans compter sur la virulence de cette “guerrière télégénique”.
Elle a joué le rôle de paratonnerre pour la NRA (National rifle association), tenant ferme face aux attaques des lycéens survivants de la tuerie de Floride. Dana Loesch a été le visage et la voix du tout-puissant lobby des armes à feu lors d’un débat national sur les conséquences du massacre au lycée Marjory-Stoneman-Douglas, qui a coûté la vie à 17 personnes le 14 février, organisé par CNN mercredi 21 février.
Pour la NRA, c’était un exercice nouveau. Après une tragédie impliquant des armes à feu, elle a l’habitude de suivre un scénario très précis et s’interdit d’envoyer l’un des siens affronter les inéluctables revendications sur un contrôle plus strict de la vente des armes à feu.
Mère de deux enfants
Mais cette fois-ci, le lobby a dû sortir des sentiers battus. La mobilisation des lycéens de Floride et, plus largement, de la jeunesse américaine pour exprimer son ras-le-bol et sa colère contre la NRA les a surpris. Les déclarations du président Donald Trump – pourtant un fidèle allié de ses militants pro-armes à feu – en faveur de certaines mesures pour encadrer leur vente a fini de convaincre ce groupe de pression qu’il était face à une offensive inédite.
.@DLoesch thank you for being the voice of over 5 Million #NRA members. pic.twitter.com/WDz7vujXfM
NRA (@NRA) 22 février 2018Dana Loesch, une ex-démocrate repentie qui a rejoint la NRA il y a seulement un peu plus d’un an, a ainsi été investie de la lourde tâche de contenir l’assaut. “J’ai moi-même des enfants” ou encore “en tant que mère je voudrais dire…” : devant des millions de téléspectateurs, cette femme de 39 ans a tout fait pour tenter de convaincre que la NRA n’était pas qu’un ramassis de vieux Blancs du Texas amoureux de leur armes.
Mais pour cette mère de famille, le problème ne vient pas des armes... mais de l’absence présumée de contrôles des faits et gestes de “personnes déséquilibrées”. Car derrière son vernis de mère compréhensive et compatissante, Dana Loesch a plutôt la réputation de faucon au sein de la NRA. Pour le New York Times, elle est la “guerrière télégénique” du lobby et effraie même ses condisciples par la virulence de certains de ses propos.
Dieu et les armes à feu
Depuis sa rupture avec le camp démocrate, dans les années 1990, elle s’est rapidement radicalisée à droite. Elle a participé à la création de la section du Tea Party (aile droite du parti républicain) à Saint-Louis (Missouri) et anime depuis 2009 le Dana Show, une populaire émission radio ultra-conservatrice. Dana Loesch a aussi travaillé avec Andrew Breitbart, le fondateur du site d’extrême droite Breitbart News, et d’autres personnalités de la droite la plus dure, comme l’ex-star de Fox News Glenn Beck et le commentateur radio Michael Savage.
La défense du droit de posséder une arme a toujours été son sujet favori. Dans un de ses livres sur le sujet, elle a expliqué avoir hérité de sa jeunesse dans un quartier violent de Saint-Louis un besoin viscéral de se sentir en sécurité. C’est même une obsession : une pancarte à l’entrée de chez elle proclame que “cette maison est protégée par le bon Dieu et une arme”. Elle a placé des armes à “différents endroits stratégiques” de sa résidence pour pouvoir être toujours prête à dégainer, même depuis son lit. Enfin, elle a une inscription biblique tatouée sur son avant-bras, qui appelle les chrétiens à porter une armure sainte pour se protéger du mal.
Dana Loesch avait donc le profil idéal pour rejoindre la NRA. Et ce n’est pas un hasard si le lobby l’a propulsée quelques mois après son arrivée au poste de porte-parole. Elle n’a pas tardé à mettre son sens de la provoc au profit de l’organisation. Dans une vidéo de recrutement pour la NRA - vue plus de trois millions de fois sur YouTube - elle vilipende “les mensonges des médias libéraux” et appelle à la résistance contre “la violence des libéraux” en leur opposant le “poing fermé de la vérité”. Une publicité qui a suscité un vif émoi aux États-Unis et qui a même été considéré, par certains, comme un appel à une nouvelle guerre civile.