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Le gouvernement français veut compléter son projet de loi "asile et immigration" par un chapitre sur l’intégration des demandeurs d’asile. Il vise à renforcer les cours de français et faciliter leur accès au travail et au logement.

Doubler les heures de cours de français des demandeurs d’asile, favoriser leur accès au travail et au logement : telles sont les grandes lignes d’un rapport signé du député LREM Aurélien Taché, et remis lundi 19 février au gouvernement. Le but étant, à deux jours de la présentation en Conseil des ministres du texte de loi très controversé "Asile et immigration", "d’assumer une politique publique d’intégration, ambitieuse et exigeante", dixit le rapport, qui part du constat que "l'insertion linguistique, économique et sociale des personnes que nous accueillons est insuffisante".

Concrètement, dans ses grandes lignes, le rapport Taché préconise de doubler le nombre d'heures de cours de français, voire de les tripler pour les publics qui le souhaitent, "pour viser une élévation du niveau". Aujourd’hui, le contrat d'intégration républicaine (CIR) comprend 200 heures de français au maximum et douze heures de formation civique. Il se prononce en outre pour une ouverture des cours de français aux demandeurs d'asile en attente d'une réponse sur leur accueil par la France. "Les périodes d'attente de l'instruction des demandes d'asile constituent aujourd'hui des mois d'inactivité extrêmement préjudiciables pour les demandeurs d'asile comme pour la société française", souligne le rapport.

Accès au travail

Toujours pour favoriser une intégration plus rapide, Aurélien Taché envisage d'autoriser les demandeurs d’asile à travailler dans un délai de six mois après leur requête, "voire plus tôt dans le cadre d'un examen au cas par cas", contre neuf mois actuellement.

Or, explique Me Sylvain Saligari, avocat spécialiste dans la défense du droit d’asile joint par France 24, ces six mois d’attente pour pouvoir travailler, viennent déjà s’ajouter à une patiente course d’obstacles pour déposer le dossier de demande d’asile. "Au final, il n’est pas rare d’attendre un an entre son arrivée en France et l'enregistrement de la demande d'asile qui ouvre des droits, puis de patienter le délai de neuf mois pour une autorisation de travailler, sachant que ceci est soumis à l'agrément de la direction du travail, qui refuse souvent. En pratique, très rares sont les demandeurs d'asile qui travaillent en France ! Et nous restons parmi les pays de l'OCDE les plus restrictifs dans ce domaine."

Le rapport, enfin, propose de lier davantage travail et logement, en prenant en compte les possibilités d'emploi lors de la répartition des places d'hébergement pour demandeurs d'asile, et de favoriser l'accès à un logement durable. Des mesures considérées par l’avocat Me Saligari comme des "mesurettes", certes bienvenues, mais bien en-dessous de l’urgence des besoins. "Des milliers de personnes arrivent dans un état de grande vulnérabilité, elles sont dans la rue, n’arrivent pas à déposer leur dossier… et le ministère va rendre cet accès encore plus compliqué", plaide-t-il. " L'urgence est là !"

Appel à la grève contre la loi "asile et immigration"

Ce texte a été remis au gouvernement à deux jours de la présentation par le gouvernement d’un document beaucoup plus conséquent, le projet de loi "asile et immigration", qui agrège la colère des associations, des avocats de défense des migrants et de plusieurs syndicats des agents de l’Ofpra. Ils redoutent les effets d’une loi aboutissant à "une rupture sans équivoque avec la tradition d’asile" en France, selon un syndicat de l’Ofpra (lire l'article sur InfoMigrants) . Un appel à la grève est lancé pour le 21 février – certains avocats comme Me Saligari ont débrayé depuis une semaine déjà -, ainsi qu’une manifestation devant le Conseil d’État, alors que les Sages doivent rendre leur avis sur le texte.

Les soixante-douze mesures pour une meilleure intégration des demandeurs d’asile arrivent donc à point nommé pour teinter d’humanité une politique jugée trop répressive. Lundi soir, le premier ministre Édouard Philippe a fait cette promesse devant la presse : le gouvernement "reprendra les grands axes des propositions" contenues dans le rapport Taché, ajoutant que "la France a une longue et belle tradition d’accueil. Mais [elle] n’est pas toujours à la hauteur de cette tradition".