Le film du réalisateur norvégien Erik Poppe sur le massacre de l’île d’Utoya qui a coûté la vie à 69 personnes est en compétition pour l’Ours d’or de la Berlinale 2018.
Depuis le début de l’année, David Gordon Green a raconté l’attentat du marathon de Boston dans "Stronger" et Clint Eastwood celui déjoué du Thalys 9364 dans "Le 15h17 pour Paris". Et alors que les attentats qui bouleversent notre quotidien infusent le monde de la culture, le réalisateur norvégien réputé Erik Poppe a présenté à Berlin le film "Utoya 22" sur le massacre d’Anders Breivik perpétré le 22 juillet 2011.
Mais plutôt que de faire le portrait du terroriste d’extrême droite largement médiatisé – qui purge actuellement une peine de 21 ans de prison dans un quartier de haute sécurité –, Erik Poppe plonge le spectateur dans un plan séquence de 72 minutes au milieu des dizaines de jeunes travaillistes réunis pour leur camp d’été et pris au piège sur l’île d’Utoya ce soir de juillet. Projeté en compétition à la Berlinale le lundi 19 février, le film "Utoya 22" a divisé les critiques.
Un plan séquence "tétanisant"
"Le résultat, formellement incroyable, est absolument tétanisant. Tétanisant car le travail du directeur de la photographie est certes prodigieux, mais aussi parce que le coeur de son héroïne bat", écrit le journaliste Nicolas Bardot pour Filmdeculte.com. Quand la critique néo-zélandaise Carmen Gray réagit sur Twitter : "Une reconstruction très sanglante et peu judicieuse du massacre de Brevik. L’impact le plus probable sera d’inciter des copycats." Boyd van Hoeij, journaliste pour le Hollywood Reporter, loue lui le travail "techniquement réaliste, joué avec conviction et remarquablement assemblé" mais pointe du doigt le manque de "détails politiques, de fond et de contexte".
#Berlinale #Utoya22Juli Comment tente t-on de ne pas se laisser définir par un événement traumatisant, réduire à une statistique ? C'est une question cruciale qui se glisse derrière ce film tétanisant qui, tourné en un plan séquence, donne un visage à des victimes effacées. pic.twitter.com/qGKeDpNzbP
— Nicolas Bardot (@NicoBardot) 19 février 2018
Utoya 22: Misguided & very gory reconstruction of the Brevik massacre. Likeliest impact = inspiring copycats #berlinale
— Carmen Gray (@carmen_gray) 19 février 2018
"Je dirais que si ça ne faisait pas mal de regarder ce film, c’est qu’il serait trop tard. Alors bien sûr c’est difficile mais cela fait aussi partie du processus de guérison", a réagi le réalisateur Erik Poppe lors d’une conférence de presse donné à Berlin, rapporte Reuters. "En regardant ce qu’il se passe en Europe, en réalisant que le néo-fascisme grandit de jour en jour, nous devons nous souvenir de ce qu’il s’est passé sur cette île et de ce à quoi l’aile droite de l’extrémisme peut ressembler."
"Erik Poppe a pris le pire cauchemar de ma vie pour en faire un divertissement"
Pour la réalisation de ce film, Erik Poppe a rencontré plusieurs survivants du massacre d’Utoya parmi lesquels Ingrid Endrerud, 17 ans à l’époque, qui explique : "La raison pour laquelle j’ai aidé ce film c’est parce qu’il raconte une histoire que beaucoup d’entre nous n’arrivons toujours pas à raconter (…) C’est la forme la plus pure de la haine et en tant que société nous devons nous ériger ensemble contre ça." Mais toutes les victimes ne sont pas du même avis. Sept ans après s’être échappé d’Utoya, Kent Rune Pedersen est toujours hanté par "des flashbacks, des rêves, du bruit, des pleurs et des images". Alors il refuse catégoriquement de voir le film : "Erik Poppe a pris le pire cauchemar de ma vie pour en faire un divertissement."
Le film "Utoya 22" d’Erik Poppe sortira en salles le 9 mars prochain en Norvège. Et d’ici 2019, trois autres films ou série sur l’attentat d’Anders Breivik sont attendus parmi lesquels "Norway" de Paul Greengras produit par Netflix.
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