Trois adolescentes sur 10 dont les parents sont issus de pays pratiquants traditionnellement les mutilations génitales, sont menacées en France, estime l'association Excision, parlons-en !, qui a lancé une campagne pour mieux les protéger.
Si les mutilations génitales féminines sont interdites et punies par la loi en France, le nombre de cas est en hausse ces dernières années. Aujourd'hui, les associations, qui déplorent le manque de données précises sur le sujet, estiment qu'elles touchent environ 60 000 femmes dans l'Hexagone, contre 54 000 en 2009, selon la dernière étude en date conduite par l'Institut national des études démographiques (Ined).
L'association Excision, parlons-en !, chargée de sensibiliser les populations concernées sur cette thématique, s'inquiète tout particulièrement pour les jeunes filles qui partent l'été dans leur pays d'origine avec le risque de subir "ces pratiques néfastes". "Ça s'est passé chez ma grand-mère paternelle où nous étions en vacances", témoigne sur le site de l'association Oriane*, excisée à l'âge de 9 ans en Guinée, avec sa sœur aînée.
"Les vacances se sont transformées en cauchemar"
Le scénario ressemble étrangement à ce qu'a subi Fiona*, partie en Guinée à 12 ans. "Les vacances se sont transformées en cauchemar, raconte-t-elle. Nous avons été excisées avec nos cousines chez notre grand-mère. Une femme nous a tenu les jambes, une seconde nous écrasait la poitrine pour nous empêcher de crier et une troisième tranchait à vif dans les chairs. Je n’oublierai jamais les cris, en particulier de ma sœur, qui depuis est handicapée mentale."
Aujourd'hui, l'association estime que trois filles sur dix dont les parents sont issus de pays pratiquants traditionnellement l'excision sont à risque. "Soit elle est orchestrée et programmée par la famille depuis la France, soit elle est imposée sur place, par la famille ou l'entourage proche", précise la déléguée générale Marion Schaefer. L'excision est pratiquée dans 29 pays d'Afrique et du Moyen-Orient et, dans une moindre mesure dans certaines communautés d'Asie (Indonésie, Thaïlande) et d'Amérique du Sud (Pérou, Colombie).
Un chat anonyme et gratuit
À l'occasion de la journée internationale contre les mutilations génitales, Excision, parlons-en ! a lancé une campagne Alerte excision pour sensibiliser le jeune public entre 12 et 18 ans, notamment en Normandie et en région Provence-Alpes-Côte d'Azur "particulièrement sensibles". Pour faire face à des jeunes "qui ont du mal à décrocher leur téléphone ou qui ne se déplacent pas pour se rendre dans les associations", des chats anonymes et gratuits ont également été organisés trois fois par semaine.
Dans ces discussions, les spécialistes essaient de se focaliser sur la sensibilisation. "Certains demandent parfois ce qu'il va se passer légalement, précise la militante. Nous ne sommes pas là pour juger les auteurs de ces actes mais pour protéger les jeunes." En France, la mutilation est un crime puni de 10 à 20 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
À l'inverse, les jeunes doivent aussi comprendre que de nombreux pays qui ont voté une loi interdisant les mutilations génitales continuent pourtant de les pratiquer. "Ce n'est pas parce que leur pays d'origine dispose d'une base légale contre l'excision qu'ils ne sont pas à risque", souligne Marion Shaeffer, qui cite l'exemple de l'Égypte, avec 91 % de femmes mutilées malgré une loi votée en 2008. Aujourd'hui, dans le monde, six filles sont excisées chaque minute.
* les prénoms ont été modifiés