Les forces de l'ordre se sont rendues aux urnes lundi, un jour avant les six millions de citoyens nigériens, afin de se prononcer sur une révision constitutionnelle. Des patrons de presse indépendants ont été convoqués par la police.
Soldats, policiers et sapeurs-pompiers ont fait la queue lundi 3 août devant les bureaux de vote au Niger. Ils étaient appelés à se prononcer sur un referendum constitutionnel, un jour avant les six millions d’électeurs nigériens. Le scrutin a pour objectif d’autoriser le président Mamadou Tandja à rester au pouvoir au-delà de l’échéance prévue par l'actuelle Constitution.
Élu la première fois le 24 novembre 1999, Mamadou Tandja achève son deuxième quinquennat à la fin de cette année. Or, le texte actuel interdit au chef de l’État d’exercer sa fonction pendant plus de deux mandats consécutifs.
À la fin du mois de mai, ne trouvant pas cette disposition constitutionnelle à son goût, M. Tandja a dissous le Parlement. Ensuite, ce fut au tour de la Cour constitutionnelle, qui avait déclaré le référendum de demain illégal, à la fin du mois de juin. Le 27 juin, il s’arrogeait des pouvoirs exceptionnels pour gouverner seul, par ordonnances et décrets.
Depuis, les grèves se succèdent, l’opposition crie au "coup d’État" et la communauté internationale condamne le scrutin. Mais le président de 71 ans ne cède pas. "On veut que je recule parce que l’opinion internationale veut que je le fasse, mais je ne le ferai pas ! " a-t-il affirmé le 22 juillet dernier, à la télévision d’État.
Pour l’heure, dans les rues de la capitale nigérienne, "l’atmosphère est très calme, presque trop. C’est inhabituel", témoigne l’envoyée spéciale de France 24 à Niamey, Melissa Bell. "Certains affirment que le gouvernement contrôle la situation, d’autres disent que c’est le calme avant la tempête."
La presse sous pression
L’opposition a appelé au boycott du vote et a prévenu qu’elle était "prête à faire tout ce qui était légalement possible pour empêcher la tenue du scrutin", indique Melissa Bell.
Inquiet, le ministre de l’Intérieur, Albade Abouba, a menacé de punir sévèrement toute personne qui tenterait de perturber le vote.
"L’ambiance est morose au sein des rédactions des journaux indépendants", a constaté l’envoyée spéciale de France 24 à Niamey.
À la veille du scrutin, plusieurs directeurs de publication ont été convoqués par la police, puis retenus plusieurs heures avant d’être relâchés.
Quelques jours avant le référendum, ils ont publié une série d’articles sur des pots-de-vins qui auraient été perçus par le fils du président, en échange de permis d’extraction de l’uranium.
"Ce référendum n’est rien d’autre qu’une vaste escroquerie pour cacher certaines malversations graves", s’emporte Alzouma Zakari, directeur de publication du journal indépendant "Opinions".
Si la presse jouit d’une certaine liberté – il existe une soixantaine de titres indépendants dans le pays – , l’inquiétude est générale chez les journalistes, qui craignent désormais que le pouvoir les fasse taire.