La chancelière allemande Angela Merkel sera reçue à l’Élysée, vendredi soir, par Emmanuel Macron. Une façon de montrer que Paris et Berlin restent unies et déterminées à aller de l’avant sur la scène européenne.
Angela Merkel n’a toujours pas formé de coalition lui permettant de gouverner, mais cela ne l’empêche pas de réfléchir aux propositions d’Emmanuel Macron sur l’Union européenne. La chancelière allemande sera reçue en fin d’après-midi, vendredi 19 janvier, par le président français pour discuter du "futur de l’Europe et des priorités à venir", selon l’Élysée.
Une visite de travail qui permettra également, comme l’affirme Marion Gaillard, docteur en histoire spécialiste des relations franco-allemandes, enseignante à Sciences-Po et interrogée par France 24, de "montrer que le couple franco-allemand continue de fonctionner" malgré la situation politique en Allemagne.
Outre la question européenne, le rendez-vous portera également sur le 55e anniversaire de la signature du Traité de l’Élysée, qui avait acté la réconciliation franco-allemande après la Seconde Guerre mondiale. L'Assemblée nationale et le Bundestag devraient approuver le 22 janvier une résolution commune traçant des perspectives pour un nouveau traité, et renforçant la coopération entre les deux Parlements.
France 24 : Angela Merkel sera reçue à l’Élysée en fin d’après-midi. De quoi s’agira-t-il ?
Marion Gaillard : Il s’agira avant tout d’une visite symbolique avec la volonté de montrer que, malgré les difficultés que rencontre Angela Merkel pour former un gouvernement, le couple franco-allemand continue de fonctionner. Cette rencontre montre également qu’Emmanuel Macron mise sur la continuité et la reconduction à venir de Merkel à la chancellerie. Bien sûr, comme l’a annoncé l’Élysée, l’avenir de l’Union européenne sera au menu des discussions mais celles-ci ne pourront pas être très poussées.
Angela Merkel a conclu un projet d’accord gouvernemental avec le SPD qui sera soumis dimanche au vote des délégués du SPD. Emmanuel Macron a-t-il intérêt à ce que cette "grande coalition" voie le jour ?
Une telle coalition ferait clairement les affaires du président français dont les projets de réformes de l’Union européenne, et en particulier de la zone euro, étaient vus d’un mauvais œil par le Parti libéral-démocrate (FDP) de Christian Lindner. L’échec de la "coalition jamaïcaine" (référence aux couleurs des trois partis : noir pour la CDU, jaune pour la FDP, et vert pour les écologistes, NDLR) a donc été un soulagement pour l’Élysée. À la place, on a désormais un projet d’accord gouvernemental entre la CDU-CSU et le SPD qui fait de la question européenne un dossier prioritaire et qui dit clairement que l’objectif est de "renforcer" et "réformer" la zone euro au côté de la France. Ça ne signifie pas que l’Allemagne va s’aligner sur toutes les propositions françaises, mais quand même, voir la France être mentionnée dans un projet d’accord gouvernemental allemand, c’est énorme ! C’était probablement l’une des conditions posées par Martin Schulz pour qu’il accepte de former à nouveau avec Angela Merkel une coalition que ne veut pas sa base. Maintenant, si un gouvernement est effectivement formé, le vrai signal serait que le ministre de l’Économie et des Finances soit issu du SPD.
Le fait que les propositions françaises pour l’Europe soient un enjeu de la coalition allemande est-il la preuve qu’Emmanuel Macron a ravi le leadership européen à Angela Merkel ?
Il faut se méfier avec ça. Ce qui est vrai, c’est qu’Emmanuel Macron a voulu prendre le leadership en Europe en présentant un projet ambitieux lors de son discours de la Sorbonne en septembre. Pour la première fois en vingt ans, la France est de retour sur le devant de la scène avec une vision et des propositions. Le président français a également su profiter de la situation politique allemande pour occuper l’espace, mais ce n’est pas dans son intérêt de rester seul trop longtemps, car pour que ses discours se transforment en actes forts, il aura besoin de Merkel.
En réalité, la France et l’Allemagne, seules, n’ont pas de légitimité suffisante pour prendre le leadership en Europe. La France, d’un côté, n’a pas les résultats économiques nécessaires et est parfois vue par ses partenaires comme arrogante ; et l’Allemagne, de l’autre, n’apprécie pas vraiment l’idée de devoir entraîner dans son sillage toute l’Europe, ce n’est pas dans sa nature. Donc les deux pays se complètent bien. Macron et Merkel devront se partager le leadership.
Il sera également question de la révision du Traité de l’Élysée. À quoi faut-il s’attendre ?
La relation entre la France et l’Allemagne a souffert du recul français ces dernières années, donc réviser le Traité de l’Élysée va permettre d’affirmer que le couple franco-allemand est de retour. Maintenant, il faut voir ce qu’on y ajoute car ce traité couvre déjà de très nombreux domaines. Une telle coopération bilatérale, dans des domaines aussi variés que la défense, la politique étrangère, la recherche, l’éducation, la culture ou la jeunesse, est unique au monde.
Il est notamment question de renforcer la coopération entre les deux Parlements. C’est plutôt une bonne chose car cela permettra de dépasser le stade gouvernemental et d’améliorer la compréhension qu’ont les Français du système fédéral allemand. Mais au-delà des grands principes généraux, il faudra attendre de connaître précisément le contenu du nouveau texte pour juger.