Les Nigériens sont appelés à se prononcer mardi par référendum sur une modification de la constitution qui autoriserait l'actuel président du pays, Mamadou Tandja, au pouvoir depuis dix ans, à briguer un troisième mandat.
AFP - Quelque 6 millions de Nigériens votent mardi pour adopter par référendum une nouvelle constitution dont le seul but est de permettre au président Mamadou Tandja, au pouvoir depuis dix ans, de rester au minimum jusqu'en 2012, envers et contre tous.
"Approuvez-vous le projet de Constitution soumis à votre sanction?". A cette question les Nigériens sont naturellement appelés à voter "oui" par les médias officiels réquisitionnés pour la campagne électorale qui s'achevait dimanche soir.
Niamey et les principales villes du pays sont couvertes d'affiches géantes à l'effigie du président, tandis que des chansons à la gloire de "Tandja le bâtisseur", "Tandja le nationaliste" sont matraquées à longueur de journée à la télévision et à la radio nationales.
L'opposition est quant à elle quasi interdite d'antenne et les journalistes étrangers qui souhaitent couvrir l'évènement devront être flanqués en permanence d'un fonctionnaire du ministère de l'Information.
Depuis des mois, la communauté internationale a pourtant multiplié messages alarmistes et avertissements au pouvoir de Niamey.
L'Union africaine, l'ONU, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), dont le Niger est membre, la France (ancienne puissance coloniale): tout le monde a tenté en vain de dissuader Mamadou Tandja.
Rien n'y a fait, et plus les mises en garde se sont multipliées et s'est amplifiée la contestation au Niger (magistrats, partis politiques, syndicats, ong, société civile), plus le pouvoir s'est raidi.
A l'Union européenne qui a déjà suspendu une aide budgétaire et menacé vendredi le Niger de "graves conséquences", en clair de fermer le robinet, Mamadou Tandja a répondu par avance: "allons-nous mourir s'ils ne nous donnent pas leur argent? Les pays occidentaux organisent régulièrement des référendum, est-ce parce qu'ils nous donnent à manger qu'ils veulent nous priver du droit d'en organiser chez nous?".
Quant à la Cédéao, qui a déjà brandi la menace de sanctions, elle devrait se réunir dans la foulée du référendum pour "prendre des décisions". "Cette situation ne nous plaît pas. Ce n'est pas le genre de démocratie que nous souhaitons", confiait vendredi à l'AFP un haut responsable de l'organisation régionale.
Apparemment insensible à ce concert de critiques, Mamadou Tandja, tout en flattant la fibre nationaliste, a multiplié les tours de vis ces derniers mois à un rythme soutenu.
Le Parlement grogne? Dissous! La Cour constitutionnelle juge le référendum illégal? Dissoute! Les syndicats veulent défiler? Les manifestations sont interdites.
"Il ne lui reste plus qu'à dissoudre le peuple", ironise un opposant.
Pour parachever ce que l'opposition qualifie de "coup d'Etat", le président s'est arrogé fin juin des "pouvoirs exceptionnels" pour gouverner seul par décrets et ordonnances, estimant que "l'indépendance de la République est menacée".
Et quelques jours avant "son" référendum, la justice nigérienne a opportunément délivré un mandat d'arrêt international contre le grand rival et dauphin déchu du président, son ancien Premier ministre Hama Amadou, qui vient de passer 10 mois en prison pour corruption présumée.
Selon l'ancien ministre de la Justice Soli Abdourahamane "la démocratie a reculé depuis son avènement en 1991. Lorsqu'on veut se faire coopter président pour trois ans que reste-t-il de la démocratie?"
Et pour Djibo Hamani, professeur d'histoire de l'université de Niamey, Mamadou Tandja a d'ores et déjà raté sa sortie: "tout le monde lui dit de laisser tomber son référendum mais, au bout du compte, c'est le Niger qui sera totalement isolé sur le plan international".