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Macron reçoit Erdogan à Paris pour poursuivre un "dialogue exigeant"

Emmanuel Macron a reçu, vendredi, à Paris, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, acteur clé des crises régionales, en particulier syrienne, auprès duquel il a défendu les libertés publiques. Une visite que condamnent des politiques de gauche.

Sa visite fait grincer des dents. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est entretenu, vendredi 5 janvier, à Paris, avec son homologue Emmanuel Macron pour discuter de la Syrie, de l'Europe mais aussi de la question sensible des droits de l'Homme en Turquie.

Cette visite est la plus importante du chef de l'État turc dans un pays de l'Union européenne (UE) depuis le putsch manqué de juillet 2016 et la répression qui l'a suivi. Erdogan sera accueilli à la mi-journée par Macron à l'Élysée pour un tête-à-tête suivi d'un déjeuner à l'issue duquel les deux présidents s'exprimeront devant la presse.

"Dialogue exigeant"

Sa venue en France n’est pas du goût des responsables politiques de gauche en France. Elle a notamment été condamnée par le parti d'extrême gauche France insoumise et le Parti communiste français tandis que la Ville de Paris, dirigée par la socialiste Anne Hidalgo, s'est dite "préoccupée" par le "respect des droits humains et de la démocratie locale en Turquie".

Mais l'Élysée la justifie par le souci d'Emmanuel Macron de "maintenir le fil du dialogue" sans "cacher les divergences", comme il le fait avec les autres dirigeants. Ce "dialogue exigeant", selon la présidence, a été initié au cours de rencontres au sommet de l'Otan en juillet puis en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre. Les deux hommes se sont parlé au téléphone à de nombreuses reprises, notamment après les arrestations en Turquie de deux Français, le photoreporter Mathias Depardon et l'étudiant en journalisme Loup Bureau.

Emmanuel Macron a affirmé mercredi qu'il évoquerait avec son invité "la situation des journalistes emprisonnés" en Turquie. "Je le ferai dans le respect mais avec le souci de défendre (...) nos valeurs et nos intérêts", a-t-il précisé.

Plus de 140 000 personnes ont été limogées ou suspendues et plus de 55 000 ont été arrêtées, dont des universitaires, des journalistes et des militants pro-kurdes.

Amnesty International a exhorté Macron à rappeler "fermement" à Erdogan que "les défenseurs des droits humains n'étaient pas des terroristes". Des syndicats et organisations de journalistes lui ont demandé de "dénoncer avec fermeté l'injustice qui frappe les journalistes turcs".

Reporters Sans Frontières (RSF) organise aujourd'hui une action devant l'ambassade de Turquie à Paris pour dénoncer l'incarcération massive de journalistes par le régime du président Recep Tayyip Erdogan alors que ce dernier est en visite officielle en France #AFP pic.twitter.com/g2VfYqnUGw

  Agence France-Presse (@afpfr) 5 janvier 2018

Des militants de Reporters sans frontière (RSF), brandissant des portraits de journalistes emprisonnés, se sont approchés de l'ambassade de Turquie, avant d'être stoppés par la police.

"Partenaire essentiel"

L'ampleur des purges menées par Ankara a quasiment ramené à l'arrêt les négociations au long cours sur la candidature d'adhésion de la Turquie à l'UE.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a même annoncé début septembre être favorable à un arrêt de ces négociations. Mais Emmanuel Macron a ensuite appelé à "éviter les ruptures" entre l'UE et la Turquie, la qualifiant de "partenaire essentiel".

"Sur les questions régionales, dans le domaine bilatéral, les pas que nous avons déjà faits avec Macron vont tout à fait dans le bon sens", a résumé Erdogan dans un entretien diffusé jeudi par la chaîne de télévision française TF1.

La Syrie figure en tête de ces dossiers, Ankara comme Paris cherchant à peser dans les négociations engagées pour mettre fin à ce conflit qui a fait plus de 340 000 morts depuis mars 2011.

La Turquie mène avec la Russie et l'Iran le processus d'Astana qui propose de réunir le régime syrien et les rebelles fin janvier à Sotchi (Russie) pour avancer vers un règlement politique.

Mais Emmanuel Macron critique régulièrement cette initiative qui, selon lui, ne permettra de "régler de manière stable et durable la situation en Syrie". Il lui préfère le processus de Genève parrainé par l'ONU.

Soucieux de "pragmatisme", le président français compte renforcer la coopération avec Ankara sur deux dossiers liés à la crise syrienne: le "terrorisme" jihadiste et la crise migratoire.

Renforcer les échanges commerciaux

Toujours sur TF1, Erdogan s'est d'ailleurs dit prêt à "assurer tout type de soutien aux États qui collaborent avec nous" sur la question du transit de jihadistes étrangers tentant de fuir la Syrie ou l'Irak.

Les deux dirigeants devraient également discuter des troubles en Iran, de la question de Jérusalem après la décision du président américain, Donald Trump, de la reconnaître comme capitale d'Israël, ainsi que du climat, la Turquie n'ayant pas ratifié l'accord de Paris, selon l'Élysée.

Sur le plan bilatéral, Paris comme Ankara souhaitent accroître leurs échanges économiques qui s'élevaient, en 2016, à 13,38 milliards de dollars, selon Ankara. La France veut avancer sur le projet de la construction, par Areva avec le Japonais Mitsubishi, d'une centrale nucléaire à Sinop, sur les bords de la mer Noire.