![Démission de Hariri : "Il ne voulait pas donner de couverture politique au Hezbollah" Démission de Hariri : "Il ne voulait pas donner de couverture politique au Hezbollah"](/data/posts/2022/07/22/1658519780_Demission-de-Hariri-Il-ne-voulait-pas-donner-de-couverture-politique-au-Hezbollah.jpg)
La démission, samedi, du Premier ministre libanais, Saad Hariri, a plongé le pays dans une nouvelle crise politique. France 24 a interrogé Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du Moyen-Orient, sur les conséquences de cette décision.
Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, en poste depuis octobre 2016, a surpris le Moyen-Orient en annonçant sa démission, samedi 4 novembre, lors d’une intervention télévisée depuis l’Arabie saoudite. Il a, justifiant sa décision, accusé l’Iran et son allié libanais, le mouvement chiite Hezbollah, d’exercer une influence trop importante sur le Liban. Interrogé par France 24, Khattar Abou Diab, politologue franco-libanais spécialiste du Moyen-Orient, a livré son analyse sur les conséquences de ce rebondissement.
France 24 : Quelles peuvent être les raisons de la démission de Saad Hariri ?
Khattar Abou Diab : Pour les observateurs de la sc è ne politique libanaise , l'arriv é e de S aad H ariri au pouvoir , il y a un an , a été l e fruit d'un compromis politique entre plusieurs courants au L iban , notamment entre celui de l'actuel p résident, Michel Aoun, et celui de Saad Hariri . Bien sûr, il y a eu d ’ autres composantes politiques comme le Hezbollah, le mouvement Amal, et les forces libainaises. Mais l'objectif de ce compromis était la mise à l'écart du Liban des axes et des conflits r é gionaux. Au fil de s mois, Saad Hariri a constaté que le Hezbollah, qu'il a présenté aujourd'hui dans sa lettre de démission comme un État dans un État, faisait entrer l e L iban à l'int é rieur de l'axe mené par l'Iran.
Ce qui a fait naître chez lui des craintes concernant les répercussions sur la stabilit é politique , sécuritaire et économique d u L iban, surtout après les toutes r é centes sanctions américaines contre le Hezbollah. Et le fait que le président Michel Aoun n'a pas respecté sa part du compromis de rester à distance de Téhéran. Saad Hariri , qui est proche de l'Arabie saoudite [grand rival de l'Iran, NDLR], a donc choisi de démissionner.
Le président Michel Aoun est-il resté plus proche du Hezbollah que de Saad Hariri ?
Michel Aoun est un allié politique du Hezbollah depuis 2006 . Il a déclaré récemment que la question de l'armement du Hezbollah ne pouvait être réglée que dans le cadre de la solution d é finitive de la crise au Moyen-Orient. C 'est-à-dire qu'il accept e le fait que le Hezbollah soit un État dans l'État, et que l'armement du mouvement chiite ne soit pas gérer par l'État libanais.
Saad Hariri a tent é de trouver un compromis entre ces positions contradictoire s. M ais avec l'excacerbation des tensions régionales, la nouvelle stratégie américaine contre l'Iran et ses alliés dans la zone, l'ex-Premier ministre n'a sans doute pas voulu donner de couverture politique au Hezbollah, qui pourrait profiter de la couverture légitime de l'État libanais pour se protéger .
Qu el est l'impact de sa d é mission sur le gouvernement de Michel Aoun ?
L e président de la République du Liban a dit attendre la d é mission écrite pour r é agir mais, quoi qu'il en soit, cela dépendra aussi de la réaction du Hezbollah . Le scénario de la formation d'un nouveau gouvernement me semble exclu. Je pense que le gouvernement actuel gérera les affaires j usqu'à nouvel ordre . On est maintenant, au Liban, au centre d'une crise politique tr è s aiguë .
Le départ de Saad Hariri va-t-il profiter au Hezbollah ?
P our le Hezbollah, c'est à double tranchant . I l peut avoir la main libre et tenter de former un nouveau gouvernement qui lui sera plus favorable . Mais le mouvement chiite était habitué à la pr é sence de Harir i pour couvrir sa domination du Liban . C'est- à -dire que, jusqu'à présent, le Hezbollah contrôlait, plus ou moins, les décisions les plus i m portantes dans les domaines politique et militaire, et laissai t au reste de la classe politique la corruption, la non-transparence , la mauvaise gestion des affaires . Je ne peux pas dire que le Hezbollah a gagné. Au contraire, le Hezbollah est mis sur la touche sur le plan int é rieur, r ég ional et international .
Quels ont été les rôles de l'Arabie saoudite et l'Iran ?
Le conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite a une importante répercussion sur le Liban. C’est vrai qu’il y a la recomposition de la zone après la fail lite de Daech [organisation État islamique, NDLR], mais la tentation de Téhéran de prendre le dessus n'est pas a cceptée par les autres acteurs régionaux, à l'instar de Riyad .
Quelle solution pour conserver la stabilité du Liban ?
Jusqu’à maintenant, le Liban a pu se maintenir à l'écart des conséquences du conflit syrien depuis mai 2011. O n voit bien que le Liban risque, avec l’approche de la fin de la guerre, d'en payer le prix. Cela dépendra b eaucoup du président Michel Aoun . S i ce dernier s'aligne sur le Hezbollah ou accepte de répondre à ses demandes, l e liban risque gros. Si il revient à une sorte d' é quilibre , s'il ne joue pas l’arbitre, le pays peut s'en sortir.