L'ancien Premier ministre Michel Rocard rend, ce mardi, son rapport sur la contribution climat-énergie, aussi appelée taxe carbone, qui vise à faire diminuer les émissions de CO2. Mais nombreux sont ceux qui s'inquiètent de son coût.
Née du Grenelle de l’environnement, en novembre 2007, l’idée d’une taxe carbone pourrait bien se concrétiser dès janvier 2010. Michel Rocard, qui a présidé la conférence d'experts sur la contribution climat-énergie (CCE) - du vrai nom de la taxe -, rend son rapport ce mardi aux ministres de l'Economie Christine Lagarde et de l'Ecologie Jean-Louis Borloo.
L’adoption de la taxe carbone vise à faire diminuer l’usage des énergies fossiles, principales responsables des émissions de gaz à effet de serre, en encourageant les consommateurs à modifier leur comportement et à se tourner davantage vers les énergies renouvelables.
"Compte tenu de l’urgence climatique, cette mesure est nécessaire", explique Emmanuel Combet, économiste et chercheur au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement qui a participé à la conférence d’experts présidé par Michel Rocard.
Dans son rapport, l’ancien Premier ministre de François Mitterrand plaide pour une contribution de 32 euros par une tonne de CO2 émise. Cette contribution pourrait atteindre 100 euros en 2030. Appliqué aux carburants, cela reviendrait à 7,7 centimes supplémentaires par litre de sans-plomb et à 8,5 centimes par litre de gazole. Concrètement, la taxe carbone rapporterait environ 8 milliards d’euros à l’Etat, dont la moitié sera financée par les particuliers.
Les consommateurs inquiets
Mais nombreux sont ceux qui n’y voient rien d’autre qu’un impôt supplémentaire que l’Etat aurait trouvé pour remplacer la taxe professionnelle qui devrait être partiellement supprimée en 2010. L’association de défense des consommateurs, UFC-Que choisir, qui faisait également partie de la conférence d’experts, conteste le projet de CCE en l’état, en raison de son impact sur le consommateur. Elle souligne notamment l’injustice qui pourrait en découler pour les foyers les plus modestes, les ruraux, plus tributaires de la voiture, ou encore les secteurs comme les transporteurs routiers.
Le rapport Rocard est resté imprécis sur ce point. Tous, défenseurs et opposants à la taxe, s’accordent sur le fait qu’elle ne doit pas être synonyme d’injustice sociale. L’ancien Premier ministre a évoqué des compensations reversées aux particuliers, mais on en ignore encore la forme.
La Fondation Hulot, qui a également participé à la conférence d’experts, a proposé une compensation sous forme de "chèque vert" versé aux ménages, qui prendrait également en compte des critères de revenus, et de mobilité.
Pour Arnaud Gossement, porte-parole de France Nature Environnement, ce sont les ménages les plus pauvres qui seront les plus pénalisés. "La CCE doit absolument allier justice sociale et justice environnementale". Mais, ajoute-t-il, il ne doit pas uniquement s’agir d’argent. "Il faut accompagner le consommateur, lui fournir une véritable éducation à la consommation durable."
Benoît Saraco, coordinateur changement climatique et énergie à la fondation Nicolas Hulot, nuance en rappelant qu’un ménagé aisé consomme deux à trois fois plus d’énergie qu’un ménage modeste. Pour lui, "la contribution climat porte déjà en elle-même une forme de justice".
Quid de l’électricité ?
Une autre question doit encore être tranchée par la commission : celle de savoir si la CCE concernera également l’électricité. En l’état, en effet, le rapport n’inclut pas la taxation du carbone produit par la consommation d’électricité.
En France l’électricité n’est pas produite par des produits carbonés, mais provient essentiellement d’énergie nucléaire, hydraulique et renouvelable, et n’est dont pas concernée par la contribution climat-énergie en l’état. Mais des associations de défense de l’environnement arguent que le nucléaire doit également être taxé, pour que la mesure soit efficace.
Selon Michel Rocard, qui s’exprimait sur Europe 1 ce mardi, "le nucléaire est moins dangereux que le CO2. Dans toutes ces affaires, on ne choisit pas les bonnes solutions, il n’y en a pas. On choisit la moins mauvaise. Et je voudrais bien entendre n’importe quel écolo me dire qu’il préfère le charbon".
Pour France Nature, Environnement, "ce serait catastrophique de ne pas taxer l’électricité, car il y aurait un report vers cette énergie". Arnaud Gossement, son porte-parole, rappelle que le but de la taxe carbone est de "faire baisser toutes les consommations d’énergie". Selon lui, si l’électricité n’est pas taxée, cette mesure n’atteindra pas son but, car il y aura un report de la consommation d’énergie sur l’électricité.
"Le risque de report est très mesuré", estime Franck Jésus, chef du service observation, économie, et évaluation de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Il rappelle que l’Union européenne applique à la consommation en électricité des quotas d’émissions de CO2. "Il y aurait donc un surcoût important pour les ménages qui aurait recours à l’énergie électrique", explique-t-il.
En outre, selon lui, la contribution climat-énergie reste efficace même si elle ne concerne pas l’électricité . "Telle qu’elle est, on aurait une diminution de 7,5 % des émissions de CO2, selon nos simulations", affirme-t-il.