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Forbidden Stories, le projet de RSF pour poursuivre et publier les enquêtes des journalistes assassinés

Reporters sans frontières et Freedom Voices Network ont lancé, mardi, un projet international baptisé Forbidden Stories. Son mandat : achever les enquêtes des journalistes emprisonnés ou assassinés à travers le monde.

En dix ans, plus de 700 journalistes sont morts dans l’exercice de leurs fonctions et avec eux des enquêtes bien souvent dérangeantes pour des décideurs et influenceurs de tous horizons. S’ajoutent également les milliers de reporters menacés et ceux emprisonnés. Ils sont près de 200 actuellement derrière les barreaux.

C’est pour poursuivre et publier leurs enquêtes mais aussi pour lutter contre l’impunité, que s’est constitué Forbidden Stories, un projet international porté par Reporters sans frontières (RSF) et Freedom Voices Network, lancé le 31 octobre à Washington. France 24 s’est entretenu avec Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.

Quelle est la mission de Forbidden Stories?

Notre mission est de sécuriser, garder en vie et publier les enquêtes des journalistes tués, emprisonnés ou menacés dans le monde. Nous voulons aussi, avec ce projet, lutter contre l’impunité des auteurs de crime envers les journalistes, notamment en mettant la lumière sur les assassinats commis via des vidéos, que nous diffusons sur notre site. On espère ainsi exercer une pression médiatique pour pousser la justice locale à mieux enquêter.

Qui va se charger de terminer ces enquêtes? Ne prennent-ils pas aussi des risques ?

C’est là l’originalité du projet : les plus grands journalistes d’investigation, originaires de différents pays, vont travailler avec nous de manière collaborative, au service de leurs confrères empêchés de faire leur travail. Nous avons une équipe de journalistes de RSF dédiés au projet. Ils sont dirigés par Laurent Richard, le fondateur de Cash Investigation. Nous pouvons aussi faire appel au Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) à Washington [l’organisme qui a notamment coordonné le travail de plus d'une centaine de rédactions pour dévoiler le scandale des Panama papers en 2016, NDLR].

Concernant les risques, nous prenons toutes les mesures de sécurité pour encadrer les journalistes qui prennent le relais des enquêtes inachevées. Grâce à l’aspect collaboratif du projet et le fait qu’on fasse appel à des journalistes étrangers, les risques sont minimisés. Car nous avons bien conscience que lorsque vous êtes un journaliste mexicain travaillant sur les cartels, il y a des ramifications partout, y compris dans votre quartier.

Comment choisissez-vous les enquêtes à terminer ? Avez-vous déjà commencé à travailler sur des enquêtes inachevées ?

Nous avons déterminé déjà plusieurs histoires sur lesquelles on va travailler, mais les journalistes d’investigation dévoilent rarement leur sujet d’enquête pour des raisons évidentes de sécurité et pour ne rien compromettre. Notre priorité ce sont les histoires à résonance internationale de corruption, de trafic ou encore de discrimination.

Avec tous les journalistes tués ou emprisonnés, on n’a malheureusement pas de mal à trouver des enquêtes à poursuivre. Mais on devra faire un choix en gardant à l’esprit que nous sommes là pour rendre service à la liberté de la presse, mais aussi pour contribuer à faire avancer la connaissance sur des sujets sensibles.

Où seront publiées les enquêtes une fois achevées ?

C’est encore un peu tôt pour l’annoncer, mais il y a différents médias qui publieront les enquêtes et le ICIJ peut également prendre le relais. Forbidden Stories est aussi là pour inspirer les journalistes locaux dans les pays concernés à écrire sur les sujets sensibles et à publier dans leurs propres médias.