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La fabrique des bandes-annonces de films : un casse-tête entre cinéma et publicité

"Star Wars", "Thor: Ragnarok" : les bandes-annonces captivent plus que jamais des millions de spectateurs en salles et sur les réseaux sociaux. Mais comment sont fabriquées ces petites vidéos au cœur des stratégies marketing de l'industrie du cinéma ?

Au printemps dernier, la bande-annonce du film "Ça", adapté de l’œuvre de Stephen King, battait un record en atteignant 197 millions de vues cumulées sur toutes les plateformes en moins de 24 heures. Il y a quelques jours, le trailer final du très attendu "Star Wars : Les Derniers Jedi" s’offrait une place très attendue pendant la coupure pub du multiplex américain avant d’engranger plus de 120 millions de vues à travers le monde.

À l’heure où les bandes-annonces ne sont plus seulement diffusées en salles, mais avant tout et surtout sur les réseaux sociaux à des millions de spectateurs, comment sont fabriquées ces petites vidéos à grands enjeux ?

Jusqu'à 250 000 dollars la bande-annonce pour un blockbuster

Il est loin le temps où la bande-annonce était montée avec les "restes" des rushs de la pellicule non-utilisés dans le film final. Aujourd’hui, certaines sociétés américaines de production de trailers encaissent jusqu’à 250 000 dollars pour le montage d’un peu plus de deux minutes d’images extraites d’un blockbuster. En France, les budgets évoluent dans une toute autre économie d’échelle, mais le mécanisme est le même.

Si quelques rares réalisateurs ont suffisamment de poids pour imposer à leurs producteurs et distributeurs de s’occuper eux-mêmes du montage de la bande-annonce de leurs films – Claude Lellouche en fait partie – la majorité n’a ni l’envie ni la main sur ce choix. Les distributeurs préfèrent faire appel à des entreprises spécialisées qui ont fait du montage de bandes-annonces un métier. Sonia Mariaulle, à la tête du studio Sonia Tout Court qui a signé les trailers de "Jappeloup" ou du nouveau "Maryline" de Guillaume Gallienne, raconte à Mashable FR : "Si on a une liberté dans la forme, on répond en général à un cahier des charges plus ou moins directif établi par le distributeur. On nous fixe des éléments marketing impondérables – un casting très connu, l’envie d’axer sur une cible particulière, etc. – qui deviennent des curseurs avec lesquels on joue."

"Parfois le trailer que vous voyez n’est pas le film qu’on a fait. C’est du marketing"

Dans ce processus de fabrication, qui peut durer "quelques mois" comme parfois "trois jours et deux nuits" à partir des images d’un film plus ou moins élaboré, le réalisateur n’est peu ou prou pas impliqué. Sonia Mariaulle explique recevoir parfois des "indications du réalisateur" sur "des séquences à ne pas couper" ou "des plans à ne pas dévoiler". Mais aux États-Unis, il a rarement son mot à dire.

Ces derniers mois, on a croisé à plusieurs reprises des réalisateurs en colère contre leurs distributeurs. Matthew Vaughn regrettait ainsi d’avoir vu la mort de Merlin (Mark Strong) et le retour de Harry (Colin Firth) apparaître dans des teasers de "Kingsman : Le Cercle d’or" quand lui voulait garder cela secret : "La façon dont ils marketent les films ruinent les films." Matt Reeves, le réalisateur de "La Planète des Singes : Suprématie", confiait lui : "Parfois le trailer que vous voyez n’est pas le film qu’on a fait. C’est du marketing."

Cousins de la pub et du septième art

"Je comprends que ça puisse être très douloureux pour un réalisateur de découvrir une bande-annonce", raconte Sonia Mariaulle. "Notre écriture de montage est très différente de celle d’un film. Elle est axée sur la déconstruction d’une histoire pour reconstruire un propos, alors forcément ça peut être un choc." Pourtant l’objectif, aux États-Unis comme en France ou ailleurs, reste le même : si les distributeurs allouent un budget conséquent au montage d’une bande-annonce et de teasers, c’est pour faire parler du film et attirer un maximum de spectateurs en salles. Et Sonia Mauriaulle de conclure : "On a un peu le cul entre deux chaises : on est les cousins de la pub et on manipule quelque chose de précieux qui est le septième art."

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