
Alors qu'un ministre a été limogé et un autre a présenté sa démission, le président iranien, qui doit être officiellement investi la semaine prochaine, semble fragilisé par des tensions croissantes avec son propre camp.
La tourmente politique en Iran s'aggrave pour le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad, après le limogeage du ministre des Renseignements et la remise de sa démission du ministre de la Culture. Gholamhossein Mohseni Ejeie, le ministre des Renseignements, a été démis dimanche de ses fonctions après un affrontement verbal avec le président. De son côté, le ministre de la Culture, Mohammad Hossein Safar Harandi, a présenté sa démission, qui n’aurait pas été acceptée, et affirmé qu’il ne se "considérait plus comme ministre".
Les deux ministres critiquaient l e président pour avoir tardé à réagir à l'ordre du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lui demandant d'annuler la nomination d'un de ses proches en tant que premier vice-président, Rahim Mashaie. La fille de ce dernier est l'épouse du fils du président iranien.
"Ces mouvements montrent des tensions très grandes au sein du camp conservateur et témoignent aussi que tout le monde n'est pas derrière Mahmoud Ahmadinejad", explique Siavosh Ghazi, correspondant AFP pour FRANCE 24 à Téhéran. "Certains conservateurs au sein du gouvernement ont affirmé qu'ils vont lui mener la vie dure", ajoute-t-il.
Le Guide suprême, la plus haute autorité politique et religieuse du pays, avait ordonné à Mahmoud Ahmadinejad de démettre son premier vice-président, oralement, puis dans une lettre datée du 18 juillet. Or cette dernière n'a été rendue publique que six jours plus tard, le 24 juillet. Le président de l'Iran aurait, dans un premier temps, refusé l'ordre donné par l'ayatollah.
"Il était du devoir du président Ahmadinejad de l'appliquer", affirme le député conservateur Ahmad Tavakoli au quotidien iranien Jam-e Jam. "Le président aurait dû le démettre et non laisser Rahim Mashaie démissionner", poursuit-t-il.
Lors de sa première élection en tant que président de l'Iran en 2005, Mahmoud Ahmadinejad avait bénéficié de son rapport étroit avec Ali Khamenei. "Les gens qui le connaissent comme un fidèle du Guide suprême attendaient qu'il exécute l'ordre du leader avant même que l'encre ne soit sèche", analyse le chef d'État major des forces armées, le général Hassan Firouzabadi.
Cette tourmente n'est pas que politique, elle est aussi religieuse. Les pasdarans, qui forment un corps d'élite placé sous l’autorité du Guide suprême et le soutiennent entièrement depuis la révolution islamique en 1979, gagnent en influence. Et cela grâce notamment à Mahmoud Ahmadinejad qui, depuis 2005, s'appuie sur eux.
"Les pasdarans ont mis la main sur le gouvernement et l'économie iranienne", analyse pour FRANCE 24 Karim Pakzad, chercheur a l'Institut de relations internationales et stratégiques. "Le haut-clergé sent qu'il est en train de perdre du pouvoir et c'est pourquoi certains d’entre-eux ont laissé éclater leur divergence au grand jour au moment de l'élection", détaille-t-il.
En se réaffirmant en opposition avec Mahmoud Ahmadinejad, le Guide suprême "ne lâche pas un seul morceau de son pouvoir", bien que son autorité ait été remise en question, explique le chercheur. "Tout le monde sait que [le président] n'a pas cédé à l'ordre original du Guide suprême [de limoger Rahim Mashaie], poursuit-il. Il a fallu que les proches d'Ali Khamenei publient cette lettre pour qu'Ahmadinejad cède finalement."
Après les émeutes qui ont suivi la réélection contestée d'Ahmadinejad le 12 juin, il s'agit d'une nouvelle tourmente pour le gouvernement iranien. "Les conservateurs se disputent entre eux, mais sans aller jusqu'à provoquer une crise majeure qui bénéficierait à l'opposition", précise Karim Pakzad, pour qui ces deux évènements sont indépendants. La polémique de cette nomination a d'ailleurs relégué au second plan les protestations dirigées par l'opposition, qu'incarnent les deux ex-candidats à la présidentielle Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, et l'ancien président réformateur Mohammad Khatami.
Malgré ces différents, Mahmoud Ahmadinejad doit prêter serment devant le Parlement le 5 août, et soumettre son nouveau gouvernement à l'approbation des députés peu après. "Tout le monde se prépare à des tensions politiques importantes durant les prochains mois", conclut Siavosh Ghazi.