Alors que le président américain a annoncé, vendredi, qu'il ne certifiait pas l'accord internationale sur le nucléaire iranien, Paris reste très attaché à ce texte historique, pour des raisons politiques et économiques.
Après l'annonce par Donald Trump qu'il ne certifierait pas l'accord international sur le programme nucléaire iranien, la France, qui peut se targuer d’avoir affiché une position claire sur un dossier crucial pour la sécurité internationale, a de quoi être inquiète.
En effet, l'annonce du président américain, vendredi 13 octobre, fragilise un accord conclu après plus d'une décennie de négociations, durant laquelle la France s’est grandement impliquée.
Dans un communiqué diplomatique le président français Emmanuel Macron, la Première ministre britannique Theresa May, et la chancelière allemande Angela Merkel ont souligné qu'ils restaient "engagés" dans l'accord signé à Vienne en juillet 2015, appelant à sa "pleine application par toutes les parties".
Emmanuel Macron est allé jusqu'à s'entretenir avec son homologue iranien Hassan Rohani au téléphone, pour l'assurer de "l'attachement de la France" à l'accord de Vienne et "envisager" de se rendre à Téhéran.
À l’instar de tous les autres signataires du texte, Paris a plusieurs fois mis en garde contre les conséquences d’une rupture avec Téhéran, alors même que les rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique assurent que les Iraniens montrent patte blanche.
La chancellerie française a multiplié ces dernières semaines contacts et réunions afin de faire fléchir l'administration américaine. Des appels et des initiatives qui n’ont pas fait changer d’avis Donald Trump. Depuis le début de sa campagne présidentielle, ce dernier n’a eu de cesse de répéter que l’administration Obama avait signé le "pire accord jamais négocié".
Vendredi, Emmanuel Macron, rappelant l'attachement de la France à l'accord sur le nucléaire iranien, a estimé que la décision de Donald Trump "ne mettrait pas fin à l'accord et qu'avec l'ensemble des parties, la France et ses partenaires européens continueraient à mettre en œuvre leurs engagements".
Le président français envisage de se rendre, à l'invitation du président Rohani, en Iran où une visite du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est déjà prévue dans les prochaines semaines pour évoquer la situation créée par la non-certification du président américain.
"Une lourde erreur"
Très attachée à la stabilité du Moyen-Orient, la France ne souhaite pas que l’accord soit renégocié, et estime qu’il n'existe aucune alternative crédible. Pour le président Emmanuel Macron, qui a fixé la position française lors de son discours à la tribune des Nations unies en septembre, l'accord avec les Iraniens est un accord "solide, robuste, et vérifiable".
"Le dénoncer aujourd’hui, sans rien proposer d’autre, serait une lourde erreur, ne pas le respecter serait irresponsable, parce que c’est un accord utile et essentiel à la paix", avait-il ajouté, dans une allusion à peine voilée à la position américaine.
L’Élysée, qui prône le dialogue sur ce dossier, souhaite donc conserver l’accord déjà en place en y ajoutant "deux ou trois piliers", dont des discussions sur l’encadrement de l’activité balistique, non couvert par l'accord de 2015, et sur l'influence régionale iranienne.
La France propose également la mise en place d’un groupe de travail afin d’envisager la situation post-2025, puisque l’accord de Vienne ne court que sur 10 ans. "Soyons plus exigeant, mais ne détériorons en rien ce que les accords précédents ont déjà permis de sécuriser", avait résumé le président Macron à l’ONU.
Une nouvelle donne qui bénéficie à la France
Pour la France, l’enjeu de la survie du texte n’est pas seulement géopolitique. Il est également économique. Depuis 2015 et la signature de l’accord, les échanges entre les deux pays sont repartis à la hausse. En 2016, les échanges ont même crû de 235 %, notamment en raison du "redémarrage fulgurant" des importations depuis l'Iran (+2000 % à 1,38 milliard d’euros), quasi-exclusivement de pétrole brut, rappelle le Trésor français.
L’Iran, qui est doté des quatrièmes réserves mondiales prouvées de pétrole et des premières réserves prouvées de gaz, est également devenu un marché très intéressant pour les grandes entreprises françaises. Au milieu de l’été, le constructeur automobile français Renault a finalisé un accord de co-entreprise avec des partenaires iraniens pour la production de 150 000 voitures par an, pour un investissement de 660 millions d'euros.
Début juillet, le géant pétrolier français Total a signé un accord avec la République islamique de 4,8 milliards de dollars pour développer un important champ gazier, devenant la première compagnie occidentale du secteur à revenir dans le pays.
Paris a fait récemment savoir qu’elle comptait protéger ses intérêts et continuer à profiter de ces nouvelles opportunités, rendues "possibles par la levée des sanctions". La diplomatie française a notamment mis en garde contre de nouvelles mesures qui seraient prises à l’encontre de Téhéran, en violation du cadre de l’accord nucléaire, "qui pénaliseraient les entreprises ayant des activités commerciales légitimes en Iran".