Une ONG a réclamé, mercredi, l'audition de Laurent Fabius dans l'enquête sur la présence du cimentier en Syrie en 2014. À l'époque ministre des Affaires étrangères, ce dernier aurait encouragé Lafarge à rester sur place malgré la présence de l'EI.
L'ONG Sherpa, partie civile dans une enquête sur les activités en Syrie du cimentier LafargeHolcim, a demandé à la justice, mercredi 11 octobre, d'entendre comme témoins l'ex-ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius et deux anciens ambassadeurs de France.
Le groupe franco-suisse fait l'objet depuis le 13 juin d'une information judiciaire ouverte par le parquet de Paris pour financement d'entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui. Onze personnes – dont d'anciens salariés syriens de Lafarge – et les ONG Sherpa et European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) avait porté plainte avec constitution de partie civile en novembre 2016.
"Il faut aussi rechercher la responsabilité de l'État"
La filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS) est notamment soupçonnée d'avoir contribué à financer l'organisation État islamique en lui versant de l'argent en 2013-2014 pour pouvoir continuer à travailler dans une région contrôlée par cette organisation.
"Il faut aussi rechercher la responsabilité de l'État si jamais l'État est aussi impliqué", a expliqué à Reuters Marie-Laure Guislain, responsable de Sherpa, qui suit ce dossier.
"C'est pourquoi il est important de demander à ces personnes si elles ont des informations intéressantes", a-t-elle ajouté.
Sherpa souhaite notamment établir si le ministère des Affaires étrangères français était au courant de ces arrangements et a encouragé Lafarge à maintenir ses activités dans la Syrie en guerre, comme l'ont laissé entendre plusieurs cadres du groupe interrogés dans une procédure parallèle.
"Tous les six mois, on allait voir le Quai d’Orsay qui nous poussait à rester. (…) Le Quai d’Orsay di[sait] qu’il fa[llait] tenir, que ça [allait] se régler", a notamment déclaré Christian Herrault, directeur général adjoint de Lafarge au moment des faits, selon une information France Info.
Travailler dans la peur
Quatre anciens salariés syriens de LCS ont jusqu'ici été entendus par un des juges chargés de l'information judiciaire.
Selon Marie-Laure Guislain, le dernier en date, entendu jeudi, a notamment raconté qu'il avait été enlevé pendant une dizaine de jours et décrit la peur dans laquelle vivaient les salariés de l'usine de Djalabiya.
Il a également raconté comment la trentaine de salariés encore sur le site avaient été livrés à eux-mêmes lors de l'attaque de l'usine par Daech en septembre 2014.
"Il n'est pas question seulement de financement du terrorisme mais aussi potentiellement de complicité de crime de guerre et de crime contre l'humanité", affirme Marie-Laure Guislain.
Sherpa souhaite que les sept autres salariés plaignants soient aussi entendus. Mais "ils n'ont pas les moyens de venir et ont des problèmes de visa", a précisé Marie-Laure Guislain, selon qui trois d'entre eux sont bloqués en Turquie.
Avec Reuters