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Comment l'intelligence artificielle métamorphose déjà l’enseignement supérieur

Dans les années qui viennent, l'intelligence artificielle va permettre d'exploiter les données de manière plus poussée pour développer un enseignement sur mesure.

C’est la question technologique du moment : la manière dont l’intelligence artificielle change notre quotidien et va continuer à le changer dans les années à venir. Le passage d’une informatique programmée par l’humain à une informatique entraînée, capable d’apprendre et d’analyser par elle-même, a un impact sur nos vies privées et nos métiers : les services, la santé, l’industrie ou les transports sont bouleversés par cette technologie disruptive.

Nous revenons régulièrement sur les méthodes de production de l’intelligence artificielle et le futur de la Singularité, mais aussi sur la question des robots militaires intelligents ou sur les craintes que de nombreux scientifiques ou entrepreneurs, comme Stephen Hawking et Elon Musk, peuvent avoir quant à l’impact de l’IA pour la civilisation humaine.

Mais au-delà de la hype médiatique et des questions éthiques, la réalité de l’IA est à la fois plus quotidienne, plus concrète et moins dramatique. Dans cette nouvelle ère technologique où l’IA est reine, la question de son utilisation dans l’enseignement supérieur est primordiale : l’intelligence artificielle peut nous permettre de mieux comprendre et de mieux apprendre, mais aussi d’anticiper et de préparer une stratégie pour le monde à venir.

Jill Watson, madame l’assistante artificielle

C’était au début de l’année 2016. Le professeur américain Ashok Goel, qui enseigne l’intelligence artificielle à l’Institut de Technologie de Géorgie, aux États-Unis, avouait à ses étudiants que Jill Watson, son assistante, était en réalité une intelligence artificielle.

Depuis le début du semestre, les 400 étudiants de son cours en ligne avaient envoyé environ 10 000 messages à leur professeur, ses huit assistants humains et Jill Watson. Sans que ceux-ci soient au courant de son état, l’intelligence artificielle avait pris à sa charge 40 % de l’ensemble des questions et réponses. Et aucun des élèves n’a jamais réalisé qu’il s’agissait d’une IA.

Lorsque Ashok Goel a lâché le pot aux roses, ses étudiants sont restés abasourdis. Le sujet a fait le tour de la planète et le professeur a donné une conférence TEDx à San Francisco dans la foulée :

Comme l’écrit Business Insider, l’expérience d’Ashok Goel pourrait "façonner le futur de l’éducation". En réalité, elle est déjà représentative du futur de l’éducation sur les campus connectés : un apprentissage personnalisé, plus fluide et plus adapté aux besoins des élèves.

Un professeur, des centaines d’étudiants, un apprentissage sur mesure

En 2012, le site américain Online Universities, cité par le blog Défis d’Amphi du journal Le Monde, listait ainsi dix manières dont l’IA allait réinventer l’enseignement :

  • Automatiser les activités de base dans l’enseignement comme les évaluations
  • S'adapter aux besoins des élèves
  • Aider les enseignants à améliorer leurs cours
  • Créer des tuteurs virtuels pour les élèves
  • Faire un retour utile aux enseignants et aux élèves
  • Changer notre rapport à l’information et notre façon d’interagir avec elle
  • Modifier le rôle des enseignants
  • Rendre l’apprentissage par essai et erreur moins intimidant
  • Changer la façon dont les écoles trouvent, forment et aident les étudiants
  • Transformer les lieux d’apprentissage et la manière d’apprendre

Les détails de l’analyse d’Online Universities sont disponibles sur leur site. Ce qui en ressort avant tout, c’est les possibilités qu’offre l’intelligence artificielle pour aider à créer un système éducatif supérieur plus adapté aux besoins de chaque étudiant.

À l’occasion des journées Microsoft Expériences, qui se sont tenues à Paris les 3 et 4 octobre, nous avons notamment pu discuter avec Sophie Gay, professeur de finance à la business school Skema, venue défendre son campus connecté. "La notion de campus connecté n’est pas liée à un lieu, en réalité. C’est le fait que tous les étudiants et la communauté d’une école sont en permanence connectés. On devrait parler d’apprentissage connecté", affirme-t-elle à Mashable FR.

Elle explique ensuite : "On envisage tous les domaines de l’éducation auxquels l’intelligence artificielle pourrait s’appliquer. Le grand défi, pour nous maintenant, c’est d’avoir une approche personnalisée pour nos nombreux étudiants. Faire du sur mesure avec de grandes cohortes. C’est vers cela que l’on tend, et il y a toute une partie de l’assistance que l’on pourrait opérationnaliser en utilisant l’intelligence artificielle."

Imaginez un instant que nous puissions utiliser 400 Jill Watson au profit de chacun des étudiants de Skema. Et ça, c’est dans un futur proche.

Le "campus cognitif" qui vient

Les campus devront développer les services de l’intelligence artificielle tout comme ils ont dû adopter les ordinateurs personnels pour les étudiants et les professeurs, le cloud, les bibliothèques de documents en ligne.

En utilisant les données récoltées sur les élèves et leurs pratiques d’apprentissage avec une intelligence artificielle entraînée, on tend vers la conception d’un "campus cognitif". Tout comme l’informatique cognitive, il veut utiliser les données pour leur donner du sens, va développer des services extrêmement personnalisés pour les étudiants et les professeurs.

Imad Bejani, directeur éducation et recherche de Microsoft France, nous a fait part d’un exemple assez représentatif. "Il y a une courbe intéressante, c’est celle du taux de succès de la traduction instantanée. Ça a commencé dans les années 1950 avec IBM et nous avions, durant longtemps, un taux de réussite d’environ 20 %. À partir de 2013, la courbe de succès augmente drastiquement. Désormais, sur Skype Translator, nous sommes à un taux de réussite de 80-90 % et ça, c’est justement permis par l’intelligence artificielle. Elle permet d’accélérer des analyses difficiles à appréhender pour le cerveau humain à un coût très bas. Ce sont les composantes de base qui s’allient à l’intelligence humaine."

Aux États-Unis, l’entreprise Campus Management a lancé Retention360, un service incluant une IA personnelle pour les étudiants

Dans des campus internationaux, ou via des cours en ligne, comment ne pas imaginer qu’une technologie similaire à celle de Skype Translator sera bientôt utilisée pour permettre à des étudiants de différentes langues de comprendre instantanément un professeur s’exprimant en chinois, portugais ou français ?

Un certain nombre d’entreprises se sont d’ores et déjà lancées dans la course à cette intelligence artificielle éducative. Aux États-Unis, l’entreprise Campus Management – qui vend des logiciels à une cinquantaine d’universités américaines – a lancé Retention360, un service incluant une IA personnelle pour les étudiants. Tandis que la start-up AdmitHub utilise les chatbots comme des "coachs personnels" à destination des étudiants.

De notre côté de l'Atlantique, on peut notamment citer la start-up lilloise Lalilo qui, grâce à une intelligence artificielle, lutte contre l’illettrisme avec des cours et exercices personnalisés. Ou encore Domoscio, une start-up créée en 2013, présente en France, en Espagne et au Royaume-Uni. Celle-ci utilise précisément la recherche en sciences cognitives, en big data en intelligence artificielle pour proposer des parcours personnalisés permettant aux élèves d'avoir un retour sur leur apprentissage, leurs lacunes et leurs réussites.

En France, l'utilisation de l'intelligence artificielle pour l'éducation commence à faire son bout de chemin. Victor Wacrenier, fondateur de l'application AppScho, a dressé, dans un article sur Medium datant de septembre 2016, une liste de 180 start-up françaises qui essaient de mêler éducation et technologique ("Edtech") en utilisant, souvent, l'intelligence artificielle. Selon lui, seulement 17 % de ces innovations se concentrent sur l'enseignement supérieur.

"Le secteur de l’éducation est aujourd’hui peut-être l‘un des derniers à ne pas avoir encore totalement entamé sa révolution digitale, alors même qu’il est l’un des plus importants au niveau mondial", affirme-t-il. Avec le plan d'investissement de 1,5 milliard d'euros de la stratégie "France IA", on peut espérer qu'une partie aille vers l'enseignement supérieur.

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