![Un Franco-Palestinien détenu en Israël, sa femme interpelle Macron Un Franco-Palestinien détenu en Israël, sa femme interpelle Macron](/data/posts/2022/07/22/1658513811_Un-Franco-Palestinien-detenu-en-Israel-sa-femme-interpelle-Macron.jpg)
Salah Hamouri, Franco-Palestinien de 32 ans, a été arrêté le 23 août à Jérusalem-est. Son épouse, Elsa Lefort, attend des autorités françaises qu’elles exigent la libération de son mari.
Elle n’a eu aucun contact avec son époux depuis son arrestation. Mais Elsa Lefort s’active depuis la France pour obtenir sa libération. Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, a été arrêté le 23 août à son domicile de Jérusalem, puis placé en détention administrative sur ordre du ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman. La décision du dirigeant d'extrême-droite a été confirmée en septembre par la Haute cour de justice. La détention administrative, une procédure extrajudiciaire très utilisée par les autorités israéliennes, permet d’emprisonner une personne sans inculpation ni procès pour une durée de six mois renouvelable indéfiniment.
Ni l'épouse de Salah Hamouri, ni ses avocats ne connaissent l’accusation dont il fait l’objet. Comme dans tous les cas de détention administrative, son dossier est classé secret. "Lors de son arrestation, on lui a indiqué qu’il était suspecté d’avoir des activités au sein d’une organisation ennemie", relate Elsa Lefort.
Interrogé par France 24, le porte-parole de l’ambassade d’Israël en France, Shimon Mercer-Wood, affirme que "Salah Hamouri a repris ses activités au sein du Front Populaire de Libération de la Palestine". Le FPLP, un mouvement nationaliste palestinien, auteur d’attentats en Israël et en Europe, est sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis et l’Union européenne. C’est donc sur la base de son appartenance présumée à cette organisation que le jeune avocat aurait été incarcéré.
Selon le porte-parole, Salah Hamouri représente un "danger" pour Israël, d’où son incarcération, qualifiée de "mesure préventive". Salah Hamouri, lui, "a toujours nié" appartenir au FPLP, assure de son côté Elsa Lefort. "Aucune preuve n’a été avancée pour corroborer cette affirmation", explique la jeune femme de 34 ans.
"Acharnement"
Ce n’est pas la première fois que Salah Hamouri fait face à la justice israélienne. Le jeune homme, né à Jérusalem de mère française et de père palestinien, a déjà été emprisonné de 2005 à 2011. Il était accusé d’avoir projeté l’assassinat du rabin Ovadia Yossef, le fondateur du parti ultraorthodoxe Shas.
Salah Hamouri a constamment réfuté ces accusations. Mais lors de son procès, il avait finalement choisi de plaider coupable dans le but d'éviter la peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. Condamné à sept ans de prison, il est libéré en 2011 avec des centaines d'autres prisonniers palestiniens en échange de la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Avec cette nouvelle détention, Elsa Lefort dénonce un "acharnement des autorités israéliennes". La raison est "purement politique", assure la jeune femme. " Le but est clairement de le casser et de le contraindre à l'exil car il s’oppose à la politique israélienne". Depuis plusieurs années, le jeune homme milite activement pour les droits des prisonniers politiques palestiniens. Il voyage régulièrement, notamment en France, pour participer à des conférences sur l'occupation israélienne des Territoires palestiniens. Trois jours avant son arrestation, il a passé avec succès l’équivalent palestinien du concours du barreau. Une vocation d’avocat qu’il comptait mettre au service de la cause des prisonniers.
"Hors de question qu'il quitte Jérusalem"
"Pour les autorités israéliennes, c’est une très mauvaise publicité de le laisser s’exprimer librement. Ils ont tout intérêt à le faire taire", estime Elsa Lefort. Ainsi, "depuis sa libération en 2011, elles n’ont eu de cesse d’entraver sa liberté de circuler, d’étudier et de fonder une famille". Pendant ses études de droit à l’Université Al Quds, Salah Hamouri s’est vu interdire l’entrée en Cisjordanie alors que son campus se trouvait précisément à Ramallah. Le but : "l’empêcher de devenir avocat", assure Elsa Lefort.
La Française rappelle aussi qu’en janvier 2016, alors enceinte, elle est expulsée d’Israël malgré un visa en règle délivré par les autorités du pays. Depuis, elle ne peut plus s'y rendre. Le couple vit séparé : Elsa Lefort habite en France avec leur enfant, Salah Hamouri est resté dans sa ville natale, Jérusalem. Une situation difficile mais que le couple assume. "Le but de ce harcèlement est justement qu'il parte. Mais il est hors de question que Salah quitte sa patrie", tranche Elsa Lefort.
Aujourd’hui, le jeune avocat compte faire appel de la détention administrative prononcée à son encontre. "Mais c’est plus pour la forme qu’autre chose", prévient Elsa Lefort, qui note que "la plupart des appels sont rejetés". La jeune femme dit ne pas croire en la justice israélienne. "C’est un système judiciaire arbitraire avec des tribunaux militaires d'occupation. La détention administrative est contraire au droit international", explique-t-elle.
Silence de la France
A l'inverse, elle attend beaucoup des autorités françaises. "Nous exigeons qu’elles le défendent et qu’elles agissent pour sa libération". Dès l’arrestation de son époux, Elsa Lefort a adressé une lettre au Président de la République Emmanuel Macron. Sans réponse jusqu'à présent. La jeune femme dénonce un "deux poids-deux mesures" de la France et ne peut s'empêcher de comparer le cas de son mari avec celui du journaliste Loup Bureau, emprisonné 51 jours par les autorités turques qui le soupçonnaient d'appartenance à "une organisation terroriste armée". "Pour Loup Bureau, Macron a appelé Erdogan directement. Si ça a été possible en Turquie, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas possible en Israël."
Après plus d’un mois de mobilisation, Elsa Lefort sera reçue le 9 octobre par un conseiller diplomatique du Président. Malgré ce rendez-vous à l’Elysée, Elsa Lefort estime que "rien n’est gagné au niveau des autorités françaises" et elle déplore "un silence assourdissant de la France lorsqu’il s’agit d’Israël".
A ce jour, la seule prise de parole officielle de la France au sujet de Salah Hamouri est venue le 4 septembre lors d'un point presse du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui a dit suivre "avec beaucoup d'attention" sa situation.
Contacté, le ministère a exprimé sa " préoccupation face au recours extensif à la détention administrative qui doit rester une mesure d’exception" et a expliqué qu'il avait appelé les autorités israéliennes à accorder un droit de visite à son épouse et à leur enfant. Insuffisant pour Elsa Lefort. "C’est une manière d’admettre qu’il reste en détention. Nous ne demandons pas un droit de visite, nous demandons qu’il soit libéré". Un message qu’elle compte bien marteler à l’Elysée.
Version mise à jour avec la réaction du porte-parole de l'ambassade d'Israël en France