
Pour mieux comprendre comment la situation entre Madrid et Barcelone est devenue si explosive, il faut remonter à 2006, lorsque la Catalogne a obtenu une autonomie renforcée. Le début d'un processus qui a mené à la crise actuelle.
Le référendum d’autodétermination qui s’est tenu en Catalogne, dimanche 1er octobre, est l’aboutissement d’un processus qui dure depuis plus de dix ans. Retour sur les grandes dates de la montée de l'indépendantisme en Catalogne, théâtre de la plus grande crise qu'ait connue le pays depuis le putsch manqué de 1981.
- Mars 2006 : la Catalogne obtient une une plus grande autonomie
En 2006, le Parlement espagnol adopte un nouveau statut, renforçant l'autonomie de la Catalogne définie comme une "nation" à l'intérieur de l'État espagnol. Ce statut contient les germes du désaccord qui oppose aujourd’hui les dirigeants indépendantistes catalans au chef de gouvernement, Mariano Rajoy : le parti de celui-ci, le Partido popular (PP) alors dans l’opposition, avait déjà contesté les termes de cette autonomie catalane renforcée devant la Cour constitutionnelle, la qualifiant d'"antichambre du démembrement de l'Espagne".
- Juin 2010 : rétropédalage partiel sur le statut d’autonomie
Le PP désormais au pouvoir, la Cour constitutionnelle annule en juin 2010 une partie du statut de la Catalogne, concluant que la référence à une "nation" n'a "aucune valeur juridique". Elle rejette l'usage du catalan comme langue "préférentielle" dans les administrations et les médias. Après cette "humiliation" des centaines de milliers de Catalans manifestent en juillet.
- 2012 : montée en puissance des séparatistes
Le 11 septembre 2012, jour de la fête de la Catalogne, plus d'un million de personnes manifestent à Barcelone pour un nouvel État. Neuf jours plus tard, le 20 septembre, Mariano Rajoy, Premier ministre depuis 2011, refuse de négocier avec Artur Mas, le président catalan, une plus grande autonomie budgétaire de la région. Mas remporte en novembre les élections régionales et promet un référendum d'autodétermination.
- 2014 : premier référendum sur la question de l’indépendance
Le 9 novembre 2014, la Catalogne se prononce à 80 % pour l'indépendance lors d'une consultation symbolique, déclarée anticonstitutionnelle, avec une participation de 35 %.
- 2015/2016 : une majorité indépendantiste au Parlement catalan
Le 27 septembre 2015, les partis indépendantistes obtiennent la majorité des sièges au Parlement régional. Les indépendantistes adoptent donc le 9 novembre une résolution sur un processus devant aboutir à "un État catalan indépendant prenant la forme d'une république", au plus tard en 2017. La Cour constitutionnelle annule cette résolution.
Le 10 janvier 2016, le séparatiste Carles Puigdemont devient néanmoins président de la région grâce à une singulière alliance entre la coalition modérée "Ensemble pour le oui" (Junts pel Sí) et le parti de gauche radicale Candidature d'unité populaire (Candidatura d'Unitat Popular).
- 2017 : le référendum interdit
En 2017, tout s'accélère. En juin, Carles Puigdemont annonce un référendum d'autodétermination le 1er octobre, assurant que si le oui l'emporte, la région amorcera la "déconnexion" d'avec l'Espagne. Madrid assure que le référendum n'aura pas lieu.
Le 7 septembre, la Cour constitutionnelle suspend une loi du Parlement régional organisant la consultation. Le 20, l'arrestation de 14 hauts responsables catalans et la saisie de millions de bulletins de vote déclenchent des manifestations spontanées de milliers de Catalans. Le 30, le gouvernement affirme avoir démantelé l'organisation du référendum.
Le 1er octobre, le référendum a bien lieu mais les forces de l'ordre interviennent pour saisir les urnes dans au moins une centaine de bureaux de vote. Les images des violences policières font le tour du monde, mettant à mal le gouvernement de Mariano Rajoy pour qui, pourtant, "il n'y a pas eu de référendum d'autodétermination en Catalogne". Les autorités catalanes affirment, elles, que le oui l'a emporté à 90 %, avec une participation de 42,3 % selon des résultats partiels.
Le 3 octobre, 700 000 personnes, selon la police municipale, manifestent à Barcelone contre les violences policières, sur fond de grève générale en Catalogne. Le roi Felipe VI dénonce avec fermeté les autorités séparatistes.
Le lendemain, Carles Puigdemont assure dans une interview à la BBC que son gouvernement s'apprête à déclarer l'indépendance de la Catalogne probablement "à la fin de la semaine, ou au début de la semaine prochaine".
Avec AFP