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Enregistrement de Baghdadi : "Pour l’EI, l’histoire n’est jamais finie"

L’enregistrement audio dans lequel le chef du groupe État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, appelle à "résister" a pour but d’entretenir l’idée que l’organisation peut survivre à sa défaite militaire, explique Pierre Conesa, spécialiste du jihadisme.

Un média lié à la propagande du groupe État islamique (EI) a diffusé, jeudi 28 septembre, un enregistrement audio attribué au chef de l’organisation terroriste, Abou Bakr al-Baghdadi. Dans le message, le dirigeant appelle ses combattants à "résister" face à leurs ennemis en Syrie et en Irak, mais aussi à multiplier les attaques dans les pays combattant l’EI, notamment contre "les centres médiatiques".

On ignore la date d'enregistrement de ce discours mais plusieurs références à l’actualité de ces dernières semaines, dont la crise entre les États-Unis et la Corée du Nord, laissent penser qu’il est récent. Comment être sûr, en revanche, qu’il s’agit bien de la voix d’Abou Bakr al-Baghdadi, dont la mort a été annoncée plusieurs fois depuis son dernier message audio attesté, en novembre 2016 ?

Les États-Unis ont indiqué effectuer des vérifications sur l'enregistrement, tout en affirmant ne pas avoir de raisons de mettre en cause son authenticité. Et plusieurs spécialistes, à l’instar de Wassim Nasr, journaliste à France 24, affirment reconnaître sa voix.

"Ce qui importe, c’est le message"

"Vrai ou faux, à la limite, ce n’est pas grave. Ce qui importe, c’est le message, à savoir l’appel à la résistance, estime Pierre Conessa, ancien haut-fonctionnaire du ministère de la Défense et auteur du livre "Guide du petit djihadiste" (Éd. Fayard). Cela fait penser à la mythologie chiite de l’imam caché, c’est-à-dire que si on ne l’attrape pas, ses partisans penseront toujours qu’il est vivant quelque part et qu’il reviendra. Au moment où l’emprise territoriale de l’EI se réduit comme peau de chagrin, la mythologie a autant d’importance que la réalité."

Par la diffusion de l’enregistrement, l’EI essaie donc d’entretenir l’idée que l’organisation peut survivre à sa défaite sur le terrain. "Très souvent, la propagande de Daech [acronyme arabe de l’EI, NDLR] fait référence aux batailles que le prophète [Mahomet] a perdues mais qui ne l'ont pas empêché de triompher par la suite, rappelle Pierre Conesa. Quand on est dans une conception millénariste, comme c’est le cas avec Daech, on considère que l’histoire n’est jamais finie."

Aussi le risque existe-t-il que la menace terroriste, notamment en Europe, ne s’amenuise pas malgré l’anéantissement militaire de l’organisation en Syrie et en Irak. "Aujourd’hui, aucun des États du Golfe, notamment les générateurs du salafisme comme l’Arabie saoudite ne participe à cette guerre. On verra s’il refait un discours, mais Baghdadi rendra sûrement les 'mécréants' occidentaux responsables de la défaite de Daech", analyse le spécialiste. Et de poursuivre : "Il y a, en France, des salafistes qui sont prêts à se sacrifier. Cette dernière année, on a pratiquement empêché une dizaine d’attentats sur notre territoire".