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Pour faire retomber la polémique, Obama nuance ses propos

Le président américain annonce qu'il regrette le choix de ses mots après avoir qualifié de "stupide" l'attitude d'un policier blanc qui avait interpellé Henry Louis Gates Jr., l'un de ses amis noirs professeur à Harvard.

Sans présenter ouvertement des excuses, Barack Obama a nuancé, vendredi, ses propos dans la controverse raciale qui agite depuis mercredi les États-Unis. Ce jour-là, le président américain avait qualifié de "stupide" l’attitude de la police qui avait procédé à l’arrestation d’un de ses amis noirs, l’universitaire Henry Louis Gates Jr. Celui-ci tentait de forcer la porte de son propre domicile car il n'arrivait pas à l'ouvrir.

"Le choix de mes mots n'a pas apporté plus de lumière sur cette affaire, mais a contribué au contraire à davantage de frénésie médiatique, je pense que c'était malheureux", a ainsi déclaré vendredi Barack Obama lors d'une intervention impromptue devant la presse. Mais il a aussi dit que, si ce choix avait été malheureux, il était dans son rôle quand il s'est exprimé sur cette arrestation.

Un peu plus tôt dans la journée, Barack Obama avait déclaré sur ABC News être "surpris par la controverse" entourant sa remarque. "Je pense qu'il s'agissait d'un commentaire franc que de dire qu'il n'était probablement pas nécessaire de passer des menottes à un homme d'âge mûr, qui se sert d'une canne et qui se trouve chez lui", avait-il ajouté.

Comportement grossier

L’incident à l’origine de l’affaire est intervenu le 16 juillet, lorsque Henry Louis Gates Jr, spécialiste renommé des questions africaines et afro-américaines à la prestigieuse université Harvard, a enfoncé la porte de son domicile qu'il ne parvenait pas à ouvrir, à Cambridge (Massachussetts). Croyant à un cambriolage, une voisine a alors appelé la police.

Henry Louis Gates Jr estime avoir été victime d’une arrestation raciste, version que conteste le sergent James Crowley qui dit l’avoir conduit au poste pour comportement grossier. L’universitaire est resté quatre heures au commissariat. Et toute charge a été abandonnée contre lui mardi dernier.

Lors de sa première prise de parole sur le sujet, mercredi, le président américain avait estimé  que "la police s'est conduite de manière stupide en arrêtant quelqu'un alors que la preuve était faite qu'il était chez lui". Relevant que "les Noirs et les Hispaniques étaient interpellés depuis longtemps de façon disproportionnée par la police", le président américain avait ajouté que l'affaire du professeur Gates était "le signe que la race reste un facteur important dans la société".

Ces propos d’un président sur une affaire de police locale ont provoqué une vive polémique, tant Barack Obama, premier président américain noir, s’était jusque-là prudemment tenu à l’écart du débat sur la discrimination raciale.

Un dirigeant "post-racial" ?

La victoire de Barack Obama, en novembre dernier, a été perçue par beaucoup comme celle d’un candidat “post-racial” dans un pays en train de dépasser les blessures historiques de l’esclavage, de la ségrégation et de la discrimination raciale.

De fait, Barack Obama a, tout au long de sa campagne pour la Maison Blanche, travaillé à sortir du carcan du "candidat noir". Dans ses différents discours, il a prôné, souvent avec emphase, l’unité entre Américains. Quitte à aller à l’encontre de personnalités afro-américaines qui, à l’image de Jesse Jackson, ont critiqué cette prise de distance avec la communauté noire. Barack Oabama, alors sénateur de l'Illinois, a dû aussi désamorcer une polémique qui aurait pu être explosive, à la suite des discours anti-blanc tenus par le pasteur noir Jeremiah Wright.

Aussi les commentaires du président américain sur l’affaire Gates constituent-ils une incursion, surprenante et inattendue, dans le débat racial. Dès le départ, Barack Obama est apparu exaspéré par la mésaventure de son ami. Il a même déclaré en plaisantant qu’on lui aurait "tiré dessus" s’il avait tenté de forcer la porte de la Maison Blanche. Ce trait d’humour était certes une référence à l’imposant dispositif de sécurité entourant la Maison Blanche, mais également une façon de remettre la question de sa couleur de peau sur le devant de la scène.

Des réactions à la pelle

Le porte-parole du président, Robert Gibbs, a tenté jeudi de neutraliser la polémique. Il a affirmé que les propos de Barack Obama se rapportaient davantage à une situation qu’à la police en tant que telle. Mais les réactions ont continué à affluer, dépassant le simple cercle politique. Des sénateurs républicains auraient planifié une campagne sur le Web où le président est moqué pour avoir critiqué la police sans connaître tous les faits. Radios et blogs sont saturés de commentaires dénonçant la promptitude de Barack Obama à voir du racisme derrière l’arrestation de son ami Gates. Un blogueur de droite écrit ainsi que les propos de Barack Obama le classe parmi les "intellectuels élitistes, obsédés par la race", tandis que l’animateur de radio Rush Limbaugh, conservateur très écouté aux Etats-Unis, accuse Barack Obama "d’être amer".

D’autres voix, au contraire, se sont empressées de prendre la défense du président. L’influent blogueur de gauche Rich Boatti écrit ainsi : "Critiquer Obama pour avoir appelé un chat un chat est une autre tentative pathétique du Parti républicain de satisfaire leur base d’hommes blancs du Sud."

Zachary Miller, ancien supporter de Barack Obama au sein de “Democrats Abroad in France", perçoit également derrière cette polémique une manipulation du camp conservateur. "Les détracteurs habituels tentent de saisir l’opportunité de ce commentaire d’Obama pour dresser un mur entre le président et l’Amérique blanche", estime-t-il.

Zachary Miller en veut pour preuve qu’une partie de la réponse de Barack Obama a été oubliée. Le président américain a en effet déclaré que l’affaire Gates "n'entame en rien les progrès incroyables qui ont été faits" sur la question raciale. "J'en suis ici la preuve", a-t-il ajouté. Avant de conclure par une de ses déclarations typiquement optimistes : "Mais c’est vrai que tout cela nous hante encore."