
Destiné aux élèves de CE2, le livre d'école est rédigé dans une écriture inclusive, autrement dit avec une grammaire et une typographie rendant les femmes plus visibles dans notre langue. Retour sur le débat.
"Le langage structure notre pensée : il ne fait pas que la refléter, il l'oriente", plaidait la professeure de littérature et co-auteure de "L'Académie contre la langue française : le dossier 'féminisation'" Eliane Viennot dans une tribune mise en ligne par FranceTVinfo. C'est aussi ce que pensent les défenseurs d'une écriture inclusive, cette façon d'écriture qui tord le cou à l'invisibilisation des femmes. Depuis quelques temps, cette nouvelle syntaxe se déploie chez les personnes soucieuses de ne pas laisser le masculin l'emporter sur le féminin. Elle a aussi tendance à en irriter d'autres, qui estiment le combat des mots minime par rapport aux droits des femmes. À l'occasion de la sortie d'un manuel scolaire inclusif aux éditions Hatier, le débat est relancé.
On y lit que "grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche", selon Le Figaro, qui a repéré la sortie du livre d'école en premier lieu, grâce à une photo postée par un professeur de physique-chimie sur un groupe Facebook réunissant des enseignants.
"Vous êtes surtout très ridicules... si mes enfants reçoivent un tel manuel, la solution sera simple, je le brûle...", rétorque un utilisateur de Twitter. "Désormais de nombreux gosses seront illettré.e.s et non plus illettrés, ça change tout", ironise une autre.
"Il n'y a pas de petits combats" vs "ça va perturber les enfants"
Tirets (ex : les ami(e)s), parenthèses (ex : les ami-e-s), point médian (ex : les ami·e·s), féminisation des métiers ou encore association du masculin et du féminin pour désigner un groupe (ex : "les lecteurs et les lectrices") : il y a aujourd'hui de nombreuses façons de féminiser la langue française. À ceux qui se moquent de cette petite révolution par la syntaxe, les féministes répondent qu'il n'y a pas de petits combats : arrêter d'invisibiliser les femmes dans le choix des mots, c'est aussi une façon de leur rendre justice en reconnaissant la place qu'elles ont occupé et le rôle qu'elles ont joué dans l'histoire. Et peut-être aussi, plus pragmatiquement, un moyen de montrer aux petites filles qu'elles n'ont pas moins de chance d'influer sur le monde que les petits garçons ; et aux petits garçons qu'il va falloir coopérer avec les petites filles.
En attendant, le débat d'une orthographe non-genrée prend une autre dimension quand il touche à l'apprentissage de la lecture chez les plus jeunes, puisque certaines personnes s'inquiètent de voir cette écriture (quoiqu'on en dise moins synthétique) atterrir sur les tables des écoliers. Celle-ci risque-t-elle de perturber les enfants d'un point de vue orthophonie ? C'est en tout cas ce que craignent les internautes, qui soulignent qu'en CE2 savoir lire est une connaissance encore en consolidation. "C'est vrai quoi. Arrêtons d'embrouiller les enfants avec L'égalité. C'est tellement un non sujet d'apprentissage !", leur rétorque un utilisateur de Twitter.
Rappelons pour sa défense que l'ouvrage concerne la matière Histoire et propose de "questionner le monde" à travers une "organisation en 3 parties facilement repérables : le temps, l’espace et le monde du vivant, de la matière et des objets". Ce n'est donc pas avec lui que l'on apprend à lire.
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