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Togo : Gnassingbé contre la rue, le bras de fer continue

Le pouvoir togolais fait face à un mouvement de contestation depuis le mois d'août, pour réclamer le départ du président Faure Gnassingbé. Ces manifestations peuvent-elles faire plier un régime en place depuis des décennies ?

Rien ne semble ébranler l’opposition togolaise. Ni la pluie, ni les forces de l'ordre, ni les récentes décisions du gouvernement, ne sont parvenues à dissuader les manifestants, qui réclament depuis le mois d’août le départ du président Gnassingbé.

Le gouvernement avait tenté d'apaiser la crise en proposant une révision de la Constitution, qui prévoit de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels. Or le texte, qui n'est pas rétroactif, permettrait à Faure Gnassingbé, héritier d'une famille au pouvoir au Togo depuis 50 ans et lui-même à la tête du pays depuis 2005, de se représenter en 2020 et en 2025.

Ce "geste" en faveur de l'opposition n'a ainsi pas porté ses fruits : le mouvement continue et de nouvelles marches massives sont annoncées à Lomé et dans le reste du pays.

De son côté, le régime dénonce un "coup d'État" de la rue et appelle les Togolais à "faire preuve de responsabilité".

Des rassemblements moins suivis ?

"Les rassemblements des 20 et 21 septembre semblent avoir été moins suivis que les précédents, les 6 et 7 septembre derniers", estime Emmanuelle Sodji, journaliste à France 24. Lors de la manifestation des 20 et 21 septembre, les leaders de l’opposition ont en effet choisi de scinder le mouvement en deux marches dans Lomé, convergeant vers deux points de chutes différents. Les foules massées à l’arrivée paraissaient ainsi moins nombreuses qu’aux premiers rassemblements.

Par ailleurs, "les forces de l’ordre ont empêché beaucoup de manifestants de se rendre aux marches, ce qui a également joué sur taux de participation", poursuit-elle. Les leaders de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, un opposant de la première heure, et Tikpi Atchadam, semblent bien décidés à ne pas reproduire la même erreur : la semaine prochaine, le mouvement de contestation ne fera plus qu’un.

Une semaine "décisive"

Nombre de spécialistes s’accordent à penser que les marches prévues ces prochains jours prendront une ampleur sans précédent. Au point que Francis Kpatindé, journaliste et enseignant à Sciences Po Paris, pense que "si le pouvoir résiste dans les 10 prochains jours, il tiendra. Il peut tout à fait basculer. La semaine qui vient sera décisive, tant les manifestations s’annoncent massives dans tout le pays".

La révolte gronde en effet un peu partout dans les provinces du Togo. "On a beaucoup parlé des manifestations à Lomé mais très peu dans le reste du pays, parce qu’il y a moins de médias et d’observateurs pour rendre compte de ce qui s’y passe", estime le professeur. Mais la colère y est bien présente. Et "elle a dépassé le simple cadre politique de l’opposition, affirme pour sa part Emmanuelle Sodji. La société civile est montée au créneau, elle a créé son propre front républicain qui va au-delà de l’affrontement entre pouvoir et opposition."

Une jeunesse incontrôlable ?

Les leaders de l’opposition craignent néanmoins que la jeunesse, qui a pris part au mouvement, ne leur échappe. "Il existe un risque réel que les jeunes du pays, désœuvrés et turbulents, touchés de plein fouet par le chômage, échappent aux mouvements de l’opposition au point de devenir incontrôlables", estime la reporter.

Reste que des manifestions en faveur du président sont également organisées dans la capitale, même si certains assurent que des participants sont payés pour y prendre part. De plus, le président Faure Gnassingbé peut encore compter sur son armée pour asseoir son autorité. "Les officiers, qui bénéficient des privilèges de l’État, demeurent pour l’heure loyaux au président, explique l’enseignant. Tant que l’armée n’est pas gagnée par l’esprit républicain, le pouvoir en place tiendra. Reste à voir si les soldats du rang ne se seront pas tentés de rejoindre la contestation populaire."