Alors que Jean-Yves le Drian entame une visite diplomatique à Ankara, le père du journaliste français Loup Bureau, détenu en Turquie depuis presque deux mois, réclame un durcissement de la position française.
"On rentre dans l'inacceptable", déplore Loïc Bureau, le père du journaliste français Loup Bureau, détenu depuis plus d'un mois en Turquie et soupçonné d’appartenance à une organisation terroriste. À la veille du déplacement officiel, jeudi 14 septembre, du ministre français des Affaires étrangères à Ankara, il ne décolère pas. "50 jours d’incarcération, ça commence à faire beaucoup !", s'est-il exclamé sur RFI.
"Dès le début de l'affaire, les autorités diplomatiques m'avaient dit que plusieurs mois [de détention], ce serait inacceptable. Ça l'était déjà pour moi dès le départ, mais là, on arrive à deux mois et si je prends la définition qu'on m'a donnée, on rentre dans l'inacceptable", explique ce professeur d’histoire-géographie à Nantes.
Son fils, Loup Bureau, 27 ans, a été interpellé le 26 juillet à la frontière entre l'Irak et la Turquie, après que des photos le montrant en compagnie de combattants kurdes syriens des YPG (un mouvement considéré comme une organisation terroriste par Ankara) ont été trouvées en sa possession. Accusé d'appartenir à une organisation terroriste armée, il risque jusqu’à 30 ans de prison.
Le président Emmanuel Macron s'est entretenu à deux reprises en août avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan pour demander sa libération. Mais l’immense espoir suscité par ces prises de contact est vite retombé, lorsque la justice turque a confirmé la semaine dernière le refus de la demande de libération conditionnelle du reporter. "La Turquie doit rendre compte de ses actes, elle peut être responsable de la dégradation d’une dégradation des relations entre la France et la Turquie", affirme Loïc Bureau, qui plaide désormais pour un durcissement de la position française dans les négociations avec Ankara.
Une attente insupportable
L’attente est d’autant plus longue que le jeune journaliste est détenu dans des conditions difficilement supportables. Emprisonné à Sirnak, ville située à proximité de la frontière irakienne dans une zone placée sous couvre-feu, ni son père, ni ses proches ne sont autorisés à lui rendre visite. "Il n'a le droit de quitter sa cellule de 6 m² que pendant trente minutes dans la journée. Il est dans un isolement total", indique son avocat Martin Pradel sur RTL, qui envisage de saisir la cour constitutionnelle de Turquie.
???? 51e jour
Avec @Rusen_Aytac, nous avons reçu hier l'acte d'accusation établi par le procureur de Sirnak contre #LoupBureau.
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Chacun comprendra qu'il est impensable d'incriminer un journaliste pour avoir fait des recherches de toute nature sur le sujet qu'il traite.
Martin PRADEL (@MartinPradel) 14 septembre 2017Le temps compte et joue sur le moral de Loup Bureau. En contact téléphonique avec son fils, son père ressent une certaine lassitude chez le jeune homme. Dimanche, il a pu lui parler furtivement au téléphone, comme tous les quinze jours. "Il y a toujours quelque chose d'un peu déprimant pour moi dans ces appels, parce que ça se passe toujours de la même façon. C'est d'abord très rapide : deux cartes internationales de cinq minutes. Ensuite, je lui demande des nouvelles, mais je vois bien que ce qu'il veut, ce sont des informations sur l'extérieur, c'est son obsession", confie-t-il.
"J'essaye de lui apporter tous les éléments pour lui apporter confiance : les interviews, les reportages qui paraissent dans la presse, les personnes qui prennent position en sa faveur, tout ce qui peut lui apporter un peu de baume au cœur. Je lui ai annoncé le déplacement de Jean-Yves Le Drian, évidemment, on a un espoir autour de ça", poursuit le père du reporter.
Nouvel espoir avec la visite de Le Drian
Lors de cette visite, le chef de la diplomatie française doit rencontrer le président turc, Recep Tayyip Erdogan, mais aussi son homologue, Mevlüt Cavusoglu, et le Premier ministre Binali Yildirim, précisait le quai d'Orsay mercredi. Il plaidera auprès des autorités turques pour la libération du journaliste français.
Le ministère ajoute que l'ambassade de France est "régulièrement en contact" avec les autorités turques à propos du sort de Loup Bureau. Mais la recherche d'une solution pourrait "prendre un certain temps", car il ne faut pas "entacher les fondamentaux du système turc", a déclaré la semaine dernière l'ambassadeur de Turquie en France, Ismaïl Hakki Musa.
Pour le père de Loup Bureau, l'attente a suffisamment duré . "S'il n'y a aucune évolution avec la visite de M. Le Drian, il va falloir changer de braquet (...) Il n'est pas question d'attendre cinq mois, ils doivent libérer mon fils", prévient Loïc Bureau.
Avec AFP et Reuters