
La Maison Blanche a indiqué que les États-Unis n’excluaient pas le recours à l'arme nucléaire contre la Corée du Nord, après le test d'une bombe H effectué par Pyongyang. L'arsenal américain, impressionnant, est en cours de modernisation.
Après "le feu et la fureur", l’administration Trump a évoqué, dimanche 3 septembre, la possibilité d’avoir recours à l’arsenal nucléaire contre la Corée du Nord. "Le président Trump a réaffirmé l’engagement des États-Unis à défendre notre patrie [...] en utilisant la gamme complète des capacités diplomatiques, [des armes] conventionnelles et nucléaires dont nous disposons”, indique un communiqué de presse de la Maison Blanche publié après un entretien téléphonique entre le président des États-Unis et son homologue japonais Shinzo Abe.
Cette escalade verbale américaine est intervenue quelques heures après un nouvel essai d’une bombe nucléaire, mené par Pyongyang. Ce sixième test sous-terrain aurait permis de faire exploser une bombe H, six fois plus puissante que celle d’Hiroshima (1945), d’après l’agence officielle nord-coréenne KCNA.
Un arsenal de 6 800 ogives
L’essai a relancé les spéculations sur la force de frappe nucléaire du régime de Kim Jong-un, encore largement méconnue. Mais celle des Américains est mieux documentée et il ne fait guère de doute que Washington remporterait un éventuel bras de fer nucléaire avec Pyongyang.
Les États-Unis disposent de 6 800 ogives nucléaires, ce qui les place juste derrière la Russie qui en détient 7 000. Cependant, ces armes de destruction massive ne peuvent pas toutes être mobilisées instantanément en cas d’agression. Seules 1 800 sont déployées, les 5 000 autres sont stockées sur différents sites à travers le pays, ou en fin de vie et en attente de désarmement.
L'arsenal n'est pas non plus composé d'un seul modèle de bombes. Ces dernières sont adaptées à leur mode de lancement. "Les États-Unis ont une triade de lanceurs qui sont au sol, dans les airs et en mer”, explique Shannon Kile, spécialiste des questions de non-prolifération pour l'Institut international de recherche sur la paix (Sipri), contacté par France 24. Ils disposent de 800 missiles balistiques à longue portée Minutmen III, dont certains peuvent être équipés de trois têtes nucléaires. Ces missiles, lancés depuis des silos à terre, peuvent frapper une cible à plus de 10 000 km.
En mer, les États-Unis ont une flotte de 14 sous-marins nucléaires dont cinq sont maintenus continuellement en "alerte importante", souligne la Fédération des scientifiques américains dans leur rapport de janvier 2017 sur l’arsenal nucléaire américain. Chacun d’eux transportent environ 100 ogives.
Enfin, près de 90 bombardiers peuvent transporter des armes nucléaires. Plus de 1 000 bombes nucléaires sont assignées à la flotte aérienne, mais 300 seulement sont conservées sur la base de lancement des avions. Le reste est stocké au Nouveau Mexique.
Première bombe nucléaire téléguidée
Parmi ce vaste arsenal, les États-Unis maintiennent "environ 900 armes nucléaires en état 'd’alerte haute' à tout moment, ce qui permet de les utiliser rapidement et presque sans préparation”, précise Shannon Kile. Ils disposent également d'une réserve de 500 ogives nucléaires non-stratégiques dans cinq pays européens (Italie, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Turquie). En cas de guerre, le président américain peut demander à l'aviation de ces pays d'utiliser ces bombes...
Les États-Unis ont également procédé ces derniers mois à des tests concernant un nouveau type d’armes nucléaires – le B61-12 – qui ont suscité des vives condamnations en Chine et en Russie. Ces bombes, destinées à être larguées depuis un avion, sont les premières à pouvoir être téléguidées pour plus de précision. Leur charge explosive peut aussi être adaptée pour être plus ou moins destructrice, ce qui, d’après les experts, risque de rendre leur utilisation politiquement plus acceptable. "C’est le signe d’une nouvelle course aux armements”, a déploré le quotidien chinois South China Morning Post, le 23 août. Pékin souligne qu'il s'agit d'un nouveau type d'arme nucléaire, que les États-Unis n'ont pas le droit de fabriquer en vertu du traité de non-prolifération atomique. Washington, de son côté, parle d'une amélioration de l'arsenal existant.
Mais ces nouveaux modèles controversés ne devraient pas être mis en service avant 2020 pour un coût astronomique de 11 milliards de dollars les 400 bombes, notent les experts de la Fédération des scientifiques américains. Ils font partie d’un très vaste plan de modernisation de l’arsenal nucléaire débuté sous Barack Obama et que Donald Trump a promis d’accentuer. "Les États-Unis comptent dépenser 400 milliards de dollars d’ici 2026 pour maintenir et mettre à niveau l’armement nucléaire”, note Shannon Kile. Le seul programme de construction d’une nouvelle classe de sous-marin atomique devrait coûter entre 97 milliards de dollars et 103 milliards de dollars.
Un plan qui ne comporte pas de volet humain, déplore la Heritage Foundation, un cercle de réflexion conservateur américain. Dans son indice 2017 de la puissance militaire américaine, cet institut rappelle qu’au sein de l’administration, il n’y a plus aucun ingénieur ayant travaillé à la conception des armes nucléaires américaines actuellement en service. Il risque donc d'y avoir un déficit de savoir-faire. En 2014, le département américain de la Défense a dû mettre en place une cellule de crise après plusieurs incidents jugés graves. Ainsi, en 2008, une bombe atomique avait été transportée sans autorisation au-dessus du territoire américain par le pilote d’un bombardier qui l’avait chargée en pensant qu’il s’agissait d’une bombe conventionnelle. Pour la Heritage Foundation, une partie des fonds devraient servir à mieux former les militaires américains à l’utilisation de l’arsenal nucléaire.