
Alors que le constructeur allemand est en pleine restructuration, le président de son directoire, Wendelin Wiedeking (photo), et son directeur financier, Holger Härter, démissionnent, dans un souci d'"apaisement de la situation".
Les médias allemands l’avaient surnommé le "Roi-Soleil". Mais l’astre Wendelin Wiedeking brille avec bien moins d'éclat depuis qu'il a dû démissionner de son poste de président du directoire de Porsche, jeudi 23 juillet. Sur fond de polémiques concernant aussi bien son salaire - avec 70 millions d'euros, il a été le patron le mieux payé d’Europe l’an dernier - que sa stratégie, l’artisan du renouveau de la marque de voitures de luxe n’a finalement pas résisté à la pression de ces dernières semaines.
Jusqu’à présent, pourtant, tout lui avait réussi. Lorsqu’en 1992, Wendelin Wiedeking prend les rênes de Porsche, le constructeur est au bord de la faillite. Mais en dix ans, celui-ci fait passer son chiffre d’affaires de 900 millions à 7,4 milliards d'euros et efface les pertes à coups de rénovation de l’outil de production et de coupes franches dans les coûts. En 2002, Porsche dégage même un bénéfice de 6,3 milliards d’euros. "Au fil des ans, Porsche et Wiedeking n’ont plus fait qu’un aux yeux du public", explique à FRANCE 24 Ulrich Viehöver, qui lui a consacré une biographie intitulée "Les deux visages de Wendelin Wiedeking".
Faut-il en déduire alors que le succès lui est monté à la tête ? Pendant les années fastes de Porsche, Wiedeking s’est mué en commentateur de la politique économique allemande et s'est permis quelques fantaisies de management, refusant par exemple de se soumettre au traditionnel exercice de publication des résultats semestriels de l'entreprise. Son argument était qu'ils n'en offraient qu'une photo à court terme, alors que lui n'est intéressé que par le long terme. "Il était aussi vu comme l’un des managers les plus durs d'Allemagne", raconte Ulrich Viehöver. Mais tant qu'ils étaient bons, les résultats de Porsche lui garantissaient une certaine immunité.
Fantaisies
Toutefois, quand, en 2005, Porsche annonce son intention de monter dans le capital de Volkswagen (VW), Wendelin Wiedeking s’attaque à une institution nationale. "Il n’a pas compris la dimension de VW et la culture de l’entreprise", souligne Ulrich Viehöver. Après la Seconde Guerre mondiale, politiciens et syndicats avaient voulu faire du plus grand constructeur européen de l'époque, dont l'histoire était alors intimement lié à celle du IIIe Reich, une sorte de symbole national de la nouvelle ère démocratique en vigueur dans le pays. Les critiques du chef de Porsche contre la puissance des centrales fait alors grincer quelques dents...
Mais ce n’est pas encore cela qui a coûté son poste à Wiedeking. C'est en succombant à la spéculation massive que celui-ci s'est attiré les foudres de ses actionnaires. "Avec la crise, ce qu’on lui pardonnait jusqu'à présent est devenu plus dur à avaler", affirme Ulrich Viehöver. Tout en affirmant le contraire à ses partenaires, Wiedeking a continué à massivement spéculer sur les marchés… et à perdre beaucoup d'argent. "Les banques l’ont lâché les unes après les autres", raconte encore Ulrich Viehöver.
Actuellement, Porsche est endetté à hauteur de 10 milliards d’euros et son indépendance est menacée. Dans ces conditions, le salaire du patron était devenu une provocation. Si Porsche lui doit l’accord avec le Qatar, qui amènera 5 milliards d’euros à la société, Wiedeking n'assistera pas à sa signature. "Les jours à venir vont montrer à quoi va ressembler le rapprochement entre VW et Porsche", conclut Ulrich Viehöver.