![Monsanto connaissait le danger du PCB mais a continué à le vendre Monsanto connaissait le danger du PCB mais a continué à le vendre](/data/posts/2022/07/22/1658503775_Monsanto-connaissait-le-danger-du-PCB-mais-a-continue-a-le-vendre.jpg)
Des documents internes analysés par le journal britannique The Guardian prouvent que le géant de l’agrochimie Monsanto connaissait la toxicité du PCB de nombreuses années avant de décider d’arrêter la commercialisation de ce dérivé chimique.
Le PCB (Polychlorobiphényle) n’a pas fini d'entacher la réputation de Monsanto. Le géant de l’agrochimie a continué à vendre ce dérivé chimique pendant plusieurs années après avoir découvert sa forte toxicité pour l’environnement à la fin des années 1960, a affirmé le quotidien britannique The Guardian, jeudi 10 août.
Pour en arriver à cette conclusion, le journal a examiné les "poison papers", plus de 20 000 mémos internes, correspondances privées et autres documents d’entreprises du secteur chimique, mis en ligne début août par le projet Bioscience Resource et le Center for Media and Democracy.
"Problème écologique mondial"
L’un de ces documents - un plan de dépollution de 1969 établi par Monsanto - évoque la forte toxicité du PCB et souligne les risques judiciaires encourus pour l’entreprise à cause de sa commercialisation. "Monsanto confirme que les PCB [il y en a plus de 100 sortes] sont un problème écologique mondial", peut-on lire dans cette note. Les auteurs expliquent que les "États-Unis, le Canada et une partie de l’Europe, spécifiquement le Royaume-Uni et la Suède, sont particulièrement touchés, mais des preuves de contamination [de l’environnement] ont été décelées dans des zones très reculées du globe". À l’époque le risque pour la santé humaine n’était pas encore établi et ne le sera que plus tard, à partir du milieu des années 1970.
La mise en garde des auteurs du plan de dépollution n’a pas empêché Monsanto de commercialiser ses produits chargés en polychlorobiphényle jusqu’en 1972. Le groupe a même continué à vendre du PCB pour certaines applications dans l’électronique jusqu’en 1977. Un attachement qui s’explique : ce dérivé chimique a été l’une des poules aux œufs d’or de Monsanto depuis les années 1935. Le groupe a notamment inondé le marché du BTP avec sa gamme Aroclor, contenant ce polluant très toxique. En France, le PCB a longtemps été assimilé au pyralène, le nom commercial d’un produit de Monsanto.
Le plan de dépollution n’est pas la seule trace écrite prouvant que Monsanto avait conscience de l’impact sur l’environnement et la santé de son produit bien avant d’en arrêter la commercialisation. Deux autres documents de 1969 - un mémo interne, et une présentation à un comité interne du groupe - soulignent, par exemple, la "forte toxicité du PCB pour les oiseaux".
Les auteurs de ces alertes conseillent de "reconnaître qu’il existe de plus en plus de preuves de l’impact sur l’environnement" lorsque les autorités "démontreront au cas par cas la contamination".
Double discours
Les pays ont commencé à hausser le ton contre le PCB à partir du début des années 1970. La Suède et le Japon ont imposé un moratoire sur l’utilisation de ce produit "en environnement ouvert" à partir de 1972. Les États-Unis l’ont déclaré "hautement toxique" et "posant un risque significatif pour la santé humaine et des animaux". L’idée d’un risque pour l’homme a été longtemps officiellement combattue par Monsanto.
Pourtant, là encore, le discours est très différent en interne. Dans un document de 1975, un responsable "produit" de Monsanto reconnaît que le PCB "peut avoir des effets permanents sur le corps humain". Il détaille même : "une courte exposition peut entraîner des irritations aux yeux et des problèmes respiratoires" tandis qu’un "contact prolongé peut sérieusement endommager le foie". Il conclut que le PCB pourrait même entraîner la mort. Pourtant, en préambule de ce document, ce responsable précise qu’il convient de dire officiellement que "la bonne manipulation du produit ne pose aucun risque environnemental ou sanitaire, ce qui permettra à la société de continuer à utiliser un produit qui compte beaucoup" pour Monsanto.
Ces révélations sur le double discours de Monsanto pendant des années au sujet du PCB interviennent à un mauvais moment pour le groupe. Aux États-Unis, il est poursuivi en justice pour financer les opérations de dépollution de certaines zones où des traces de polychlorobiphényle sont encore présentes (ce produit peut continuer à polluer pendant des décennies). Une procédure qui pourrait coûter des milliards de dollars à Monsanto… ou à Bayer, le géant allemand qui attend le feu vert de l’Europe pour boucler le rachat de son concurrent américain.
"Ces documents, s’ils sont authentiques, confirment que Monsanto connaissait les dangers de son produit et a préféré le cacher pour pouvoir continuer à en profiter financièrement", a commenté le bureau du procureur général de l’État de Washington, à l’origine de la procédure judiciaire. Contacté par The Guardian, Scott Partridge, le vice-président de la stratégie de Monsanto, n’a pas contesté l’authenticité des documents mais a soutenu que le groupe "n’a jamais illégalement commercialisé" du PCB. Tant que ce n’est pas illégal, tout va bien alors...