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La menace d'une mise en examen pour corruption plane sur Benjamin Netanyahou

C’est peut-être le début de la fin pour le Premier ministre israélien, qui pourrait être bientôt mis en examen pour corruption. Un de ses hommes lige a accepté de collaborer avec le parquet pour éviter la prison.

Depuis huit ans qu’il est au pouvoir (un record) en Israël, Benjamin Netanyahou, visé par de nombreuses enquêtes, a fait preuve d’une étonnante capacité de résilience. La gauche dénonçait encore il y a peu la lenteur de la justice à faire la lumière sur les quatre affaires qui visent le Premier ministre. Mais les choses risquent de s’accélérer avec cette prise de choix : Ari Harow, ancien chef de cabinet et protégé de Benjamin Netanyahou. Soupçonné d’avoir utilisé sa position pour conforter son activité de lobbyiste, il vient de conclure avec le procureur de l’État un accord destiné à lui éviter la prison en échange de son témoignage dans les différentes enquêtes visant son ancien patron.

Quelques jours auparavant, la police israélienne avait confirmé que Benjamin Netanyahou était officiellement soupçonné de corruption et d’abus de confiance dans deux affaires qui le visent. Et nul n’imagine que le procureur de l’État aurait accordé une telle immunité s’il pensait qu’Ari Harow ne disposait pas d’éléments potentiellement accablants pour le Premier ministre, son épouse et un de ses fils également mis en cause.

Face aux accusations, la stratégie du mépris

Dans une vidéo mise en ligne sur Facebook, Benjamin Netanyahou fait mine de traiter ce dernier développement par le mépris. "En dépit de ce bruit de fond, dit-il, je continuerai à vous servir. Il ne se passera rien parce qu’il n’y a rien." Le Premier ministre estime sans doute que les faits qui lui sont reprochés ne pèseront pas suffisamment lourd pour que la justice poursuive pour la première fois un chef de gouvernement en activité. En attendant, l’avocat général a annoncé qu’il demanderait la mise en examen de son épouse Sarah, soupçonnée d’avoir utilisé des fonds publics pour ses dépenses personnelles. Elle est aussi impliquée dans la première affaire visant son mari : tous les deux, ainsi que l’un de leurs fils Yaïr, sont accusés d’avoir reçu pour plus de 100 000 euros de cadeaux (cigares, champagne, bijoux) de la part de deux milliardaires. Pour l’instant il n’a pas pu être établi si les deux "bienfaiteurs" des Netanyahou ont bénéficié de faveurs en échange ou s’il ne s’agissait, comme l’affirme le Premier ministre, que de "marques d’amitié".

La deuxième affaire pour laquelle le Premier ministre est considéré comme suspect concerne son intervention personnelle dans la rivalité entre les deux principaux journaux israéliens : le gratuit Israël Hayom, dernier né dans le paysage médiatique et devenu le plus gros tirage, propriété de l’homme d’affaires américain Sheldon Adelson, soutien de longue date du Premier ministre mais aussi de Donald Trump. Et Yedioth Aharonoth, un titre historique qui s’est fait détrôner de sa première place. Dans des enregistrements rendus publics, le patron du principal journal israélien, Arnon Mozes, rivalisant de cynisme avec Benjamin Netanyahou qu’il traitait jusque-là en ennemi personnel, lui proposait un aggiornamento stupéfiant. En échange d’une couverture favorable de son action dans Yedioth, il demandait au chef du gouvernement de freiner le développement de son concurrent. Pris en flagrant délit, Benjamin Netanyahou affirme qu’il n’était pas sérieux et voulait simplement voir jusqu’où Mozes était prêt à se compromettre. Par ailleurs, la Cour suprême vient d’ordonner que les conversations téléphoniques entre Netanyahou et Adelson soient aussi rendues publiques au nom du droit à l’information. Leur contenu pourrait avoir un effet dévastateur sur la ligne de défense du Premier ministre.

Netanyahou l’insubmersible

La "trahison" d’Ari Harow pourrait avoir d’autres conséquences. Le "repenti" pourrait en effet en savoir long sur le rôle de Benjamin Netanyahou dans deux autres affaires de corruption et de trafic d’influence qui éclaboussent un certain nombre de ses proches et des responsables de l’armée. La plus embarrassante, potentiellement, porte sur un contrat de fourniture de sous-marins allemands par Thyssen-Krupp à la marine israélienne. Un contrat de plus d’un milliard d’euros que le gouvernement allemand vient de suspendre, fleurant un scandale possible de commissions occultes. Le Premier ministre est accusé d’avoir surévalué les besoins de la marine. De là à penser qu’il ait pu récupérer une part du gâteau…

Netanyahou, l’insubmersible, n’a pourtant pas dit son dernier mot. Sa base politique reste solide dans l’opinion israélienne et ses rivaux potentiels restent étonnement discrets. Il faut dire que tous ceux qui sont sortis du bois jusqu’ici n’ont pas été particulièrement chanceux. Le Likoud commence donc à organiser la défense populaire de Bibi poursuivi par "les juges et la gauche".

En dernier recours, le Premier ministre pourrait même provoquer de nouvelles élections. Une perspective qui terrorise l’opposition désunie et toujours aussi affaiblie. Jouer le peuple contre les juges, une stratégie classique pour politicien aux abois. Mais qui a déjà fait ses preuves.